samedi 28 novembre 2009

"E LA NAVE VA" : LES FANTÔMES DE LA PUNTA DELLA DOGANA.

Palazzo Grassi. Photographie ©FDM, 2009

"À proximité passent les nuages, qui glissent et s'abîment sempiternellement dans les eaux du canal. Chaque ruelle ou allée marine fonctionne ainsi, comme une glace trouble et sans tain qui reflète les apparences en les diluant et déformant." ("Le Bateau des morts", in Borges & Borges illimited)

Parcours sans faute pour l'installation de la Fondation Pinault (Palazzo Grassi et Punta della Dogana) dans la courbe et à la pointe du Grand Canal.

François Pinault règne désormais sur deux lieux vénitiens d'exception. À l'élégance dix-huitiémiste du Palazzo Grassi fait écho le bâtiment de la Douane de mer, cette "friche industrielle" de prestige qui s'avance tel un éperon à l'extrême pointe du Grand Canal.

Avec ses fenêtres ouvertes en arc de cercle sur la lagune, ses voûtes en carènes de bateau, ses larges salles, La Douane de Mer était prédestinée au déploiement des fastes de l'art contemporain. Tadao Ando, l'architecte, y a ménagé, de salle en salle, des systèmes de perspectives, des "vedute" qui multiplient astucieusement les points de vue sur les œuvres.

Murakami et la drôlerie de ses figurines géantes y côtoient le cheval à la tête plantée dans le mur de brique de Maurizio Cattelan. Ou la démarche, plus conceptuelle, de Rachel Whitehead : empreintes du dessous de chaises, moulées dans des résines de différentes teintes.

À contempler toutefois la perfection quasi clinique de cette muséographie, on souhaiterait qu'un vent de folie ou de révolte s'empare des œuvres, qu'elles se faufilent toutes, le soir venu, sur des barges, qu'elles s'échappent du Musée, s'aventurent sur le Grand Canal et envahissent Venise.

Qu'on puisse les voir et les admirer dans toute la Cité, et toutes ensemble, ces quelque 2000 pièces de la Collection Pinault. Dans la débauche d'un carnaval d'un nouveau genre.

Que toutes ces œuvres et ces fantômes glissent au long des canaux, des venelles, surprennent le visiteur ou le passant.

Qu'elles finissent par s'échapper, par essaimer dans la lagune.

Peut-être finiront-elles, ces œuvres, diluées, perdues, noyées dans les eaux miroitantes...

Allons ! C'est un rêve.

Mais j'ai bien vu, au petit matin, surgir du fin fond de la brume et surnager dans le ciel de la lagune, la soldatesque des frères Chapman, leurs Goya grimaçants, leurs crucifix décapités. Et la cruauté d'un monde qui ne voulait pas finir.

Site du Palazzo Grassi
Livre : Borges & Borges, illimited

LE RISQUE DE L'INTERPRÉTATION. JOURNÉE D'ÉTUDE. LYON 2.

le 11 décembre 2009 de 9 h à 18 h15

LE RISQUE DE L'INTERPRÉTATION

(Philosophie, histoires littéraires, photographie, cinéma, etc.).

Journée des doctorants. Organisée par l'EA 4160.
PASSAGES XX-XXI (LYON 2)

Amphi Marc Bloch
ISH, 14 avenue Berthelot
60007 LYON

PROGRAMME

Contre-expertise d’une trahison

9h : Florence de Mèredieu
L’affaire Artaud, Journal ethnographique : le chercheur et la question de l’interprétation.

9h45 : Marc Courtieu
Mélancolie, métaphore et vérité. Lectures d’Artaud : d’une esthétisation de la folie.

10h05 : Véronique Labeille
Le philosophe se trompe et il a raison.

10h25 : questions — 10h45 : pause

Du texte à la représentation

11h : Sylvain Diaz
Edward Bond en débat - Théâtre de l’aporie ou aporie du théâtre ?

11h20 : Véronique Perruchon
De la dérive esthétique comme voie de recherche.

11h40 questions — 12h repas offert aux intervenants

Occident : le poids d’un regard

14h : Céline Haddad
Le double visage de Madame Chrysanthème : l’origine d’un cliché.

14h20 : Charles Quiblier
Film de genre/film d’auteur : une parallaxe dans l’interprétation de L’empire de la passion.

14h40 : Wendy Martinez
La danse Butô, fruit d’un aller-retour culturel — un double problème d’interprétation.

15h : Blandine Valfort
Errances de l’herméneute face à la littérature francophone maghrébine.
Résurgences de l’orientalisme et repentir de l’ex-colonisateur.

15h20 : questions — 15h40 : pause

Relectures idéologiques

16h : Laura Martinez-Haro
Le 68 mexicain et ses interprétations dans le cinéma.

16h20 : Alexis Buffet
Fiction et prolifération idéologique : l’Amérique de Luc Durtain et Georges Duhamel.

16h40 : Philippe Piedevache
Occultation de Maurice Barrès. Analyse d’une postérité littéraire.

17h : questions

Persistances rétiniennes

17h20 : Aurore Fossard : Qui est-ce ? (le photographe).

17h40 : Rodolphe Bacquet
La critique de film, l’interprétation comme antichambre de la création : la « politique des auteurs » et la cinéphilie à la française. Les Cahiers du cinéma, Positif, années 1950-1960.

18h questions — 18h15 pot de clôture

Contact : Céline Haddad
Plus d'informations Lyon Campus - Risque de l'interpretation

ARTAUD AU GRAND GUIGNOL. ARTAUD ET LE GRAND GUIGNOL.

Rencontre-débat avec Florence de Mèredieu*

Librairie le GRAND GUIGNOL
91 Montée de la Grande Côte
LYON 1er

Le Jeudi 10 décembre 2009 à 19 h

* auteur de L'Affaire Artaud, Journal ethnographique, Fayard, 2009, C'était Antonin Artaud, Fayard, 2006, Antonin Artaud, Portraits et gris-gris, Blusson, 1984-2008.

librairie-grandguignol.blogspot.com

mardi 24 novembre 2009

VENISE 2009 - BIENNALE D'AUTOMNE.

"Les fleurs de verre" du Pavillon vénitien
(Dale Chihuly, Mille Fiori). Photographie ©FDM, 2009.

Temps gris sur Venise. - Les oiseaux font pleuvoir, à grands coups d'aile, les dernières feuilles. Dorées. Délibérément dorées. Les grands arbres des "Giardini" y ont des allures mélancoliques.

Le noyé flotte toujours dans la piscine au bleu incongru (Michael Elmgreen et Ingar Dragset, The Collectors). Les œuvres de mousse, de tourbe et de lichen de l'Arsenal se délitent aux approches de l'hiver.

Les brumes et les opacités, les couleurs déteintes et estompées des silhouettes de l'installation de Wodiczko (Guests) se fondent dans tout ce romantisme.

Mêmes tons gris, verts, jaunes, mais assourdis, dans les grandes toiles du Pavillon espagnol. Barcelo y ajoute les tons de terre et la rotondité de ses poteries.

Colorées, fluos, vivaces. Toujours aussi "kitch" et aussi gaies, les fleurs de verre du Pavillon vénitien (Dale Chihuly, Mille Fiori). Mais le reflet de ces fleurs d'artifice se mêle à ces autres teintes des feuilles mortes surnageant dans l'eau du bassin. - L'œuvre a vécu. Son image et son double ont vieilli, se sont transformés au fil du temps et des intempéries.

L'hiver approche. Venise bientôt va tourner la page. Sur cette biennale que l'on disait ennuyeuse (certains pavillons le sont), mais qui a su ménager quelques surprises et qui s'est, pour le reste, fondue dans la couleur du temps.

Biennale "fin de siècle" donc, pour la première décade de ce nouveau millénaire qui n'en finit plus de répéter et répéter encore la leçon de ses aînés.

Seul signe peut-être d'une "rupture" : la présence de l'Afrique. Avec une installation, terriblement "postmoderne" et "multimédia", mais dont les images sont traversées du grand vent des matériaux, des outils et des tonalités de la savane (Human being de Tayou, artiste camerounais).

P.S. - Ce 14 novembre, quelques centaines de Vénitiens ont symboliquement fêté les "funérailles" de leur Cité, envahie par le tourisme, mais passée en dessous du seuil des 60.000 habitants. Des gondoles, chargées de cercueils vides et de gerbes de fleurs, ont sillonné les légendaires canaux.

vendredi 13 novembre 2009

PIERRE SOULAGES : LE NOIR EST UNE COULEUR

Vue de l'exposition, 2009. Photographie ©FDM

Y a-t-il des noirs chez Pierre Soulages ?

Dans les premières toiles assurément. Dans les peintures au goudron, brou de noix, encre de Chine et gouache, qui ponctuent de manière calligraphique la première salle où vous pénétrez.

Les dernières grandes toiles, celles qui ne se contentent plus des cimaises, et se déploient fréquemment dans l'espace où vous circulez, multiplient les effets de lumière. On y a des reflets, des brillances, des contrastes, des effets de textures. Des raies. Des stries. La marque du couteau. Le noir est entré en mutation.

Y a-t-il désormais des noirs dans cette peinture ? Le NOIR-NOIR n'a-t-il pas déserté ?

De cela vous ferez l'expérience dans la salle noire, ménagée tout exprès pour accueillir trois grandes toiles verticales. La face de ces toiles n'est point NOIRE. Mais texturée. Luisante. Brillante. Lumineuse. - Glissez vous maintenant à l'arrière des toiles. C'est là que s'est réfugié le NOIR, l'obscurité, l'absence de couleur.

Le noir Soulages se déploie donc dans un camaïeu de couleurs. Lui aussi, à la limite de la couleur. Précieux, diversifié. Il y a des noirs-gris, rosés, bruns. D'autres jaunes à peine ou même blancs.

Qu'est-ce en effet qu'un NOIR LUISANT sinon la négation même de ce que l'on pourrait nommer "le concept du noir".

Cf. "La Lumière. Le noir", in Histoire matérielle et immatérielle de l'art moderne, Larousse, 2008.

CECI N'EST PAS UNE PEINTURE DE SOULAGES

L'image qui précède pourrait-elle s'apparenter à l'une des peintures au noir de Soulages ? On y retrouve les mêmes stries, une semblable dénivellation des surfaces et ces effets de matières qui transforment les surfaces noires en quelque chose qui n'est plus du "noir" mais un effet de brillance, un reflet.

De la lumière est réfléchie par une surface dont on peut dire qu'elle fut "noire" mais dont l'effet perceptif (le seul qui compte pour le spectateur) est tout autre.

Il s'agit ici de la laine uniformément noire d'un vêtement, qui comporte une surface "lisse" et continue, mais se borde d'une autre bande du même matériau festonné. Ce processus de torsion du matériau entraîne la formation de nombreuses aspérités. La lumière alors se réfléchit différemment.

On se souviendra que Maurice Merleau-Ponty évoquait, dans La Phénoménologie de la perception, ce "rouge laineux d'un tapis" qui l'avait particulièrement frappé. La couleur est inséparable en effet de la texture du matériau qui la porte.

La laine est très différente de la peinture acrylique. Elle ne réfléchit pas semblablement la lumière. Le noir laineux de ce vêtement renvoie à une expérience de la couleur très différente de celle des toiles de Soulages.

Ce matériau toutefois fut ici photographié. En noir et blanc ! - J'aurais pu certes préférer le "noir couleur". J'ai opté pour le noir du "noir et blanc". Plus net. Plus franc. En sachant bien que cette image vous la liriez sur l'écran d'un ordinateur. Avec les effets de miroitement propres à ce support, qui transforment le matériau laineux et le rapprochent des peintures de Soulages.

On saisit combien la couleur peut être protéiforme, caméléon. Et le noir n'y échappe pas. Ce qui compte ce n'est pas la couleur, mais "l'expérience de la couleur". Dans des circonstances précises. En un temps et un lieu donnés.

Cf. "La Couleur", in Histoire matérielle et immatérielle de l'art moderne, Larousse, 2008.

jeudi 5 novembre 2009

CLAUDE LÉVI-STRAUSS : Mythes. Mythologies. Mythologiques.

Serpent aztèque à deux têtes (Mexique)

Le mythe est une des toutes premières formes de la pensée humaine. Concret. Imagé. Loufoque. Bigarré. - Il avait donc tout pour séduire un Lévi-Strauss amateur certes de singularités, de diversités, mais enclin aussi à ranger, classer, ordonner, domestiquer le divers sensible. Dans des boîtes, des fiches, des listes et le réseau serré de ce que l'on dénomme un système de pensée.

Ce processus d'ordonnancement et de classement fait le fond de toute pensée. Ce qui caractérise maintenant Lévi-Strauss, c'est sans doute le rapprochement de l'hétérogène, la mise en relation, la "superposition", de données provenant de cultures parfois très différentes et éloignées les unes des autres.

D'où la mise en œuvre d'une logique propre à la pensée mythique. Et la confrontation de mythologies très diverses. Ce qui lui permit de découvrir, derrière le tissu chatoyant de la diversité, des structures cognitives communes.

La grande question maintenant est celle de l'oscillation permanente de l'ethnologue entre la richesse des données de base et la sécheresse de l'ossature formelle dégagée de l'étude des mythes.

Lisant ou relisant Lévi-Strauss, on peut privilégier l'un ou l'autre aspect :
- s'abandonner à la prolifération débridée des récits produits aux quatre coins du globe par les diverses mythologies
- ou porter la focale sur ce réseau de fils, cette logique interne qui relient les mythes les uns aux autres.

On débouchera, à chaque fois, sur une vision du monde très différente.

CLAUDE LÉVI-STRAUSS : L'arc-en-ciel et les habits d'Arlequin

Les récits mythologiques qui nourrissent certains textes de Lévi-Strauss abondent en histoires d'arc-en-ciel. Diapré, multiple, diversement COLORÉ, unifiant le divers dans la perfection de sa forme, l'arc-en-ciel apparaît comme la métaphore même de son œuvre. Une et plurielle. Structurée et diverse. Sauvage et rigoureuse à l'excès.

Ce sont là les habits d'Arlequin, cette parure constituée de fragments, d'une mosaïque de tissus divers dont l'appareillage minutieux finit par constituer un habit de lumière. On y retrouve le chatoiement du divers. Et un goût prononcé pour l'agencement et l'organisation de ce qui n'est au départ presque rien. Et tout juste un fragment.

En cette science du bricolage, qu'il pratiqua (selon ses propres dires) dès l'enfance, Lévi-Strauss excelle. Il prélève, ajuste, superpose, abouche les unes aux autres toutes ces menues pièces. Comme autant de notes de musiques ou les éléments d'un rituel.

Ces rituels et ces arlequinades, Lévi-Strauss les retrouva avec un certain ravissement dans les cérémonies de notre époque. La cérémonie d'essayage de sa tenue d'académicien est un grand moment d'ethnologie appliquée. On y retrouve notre chercheur et homme de terrain dans son costume de grand corbeau ou d'oiseau de proie, scrutant dans la glace sa propre image et son propre chef surmonté d'un bicorne, à la façon dont il sut observer les totems des tribus indiennes de la côte Ouest du Canada.

mercredi 4 novembre 2009

C'ÉTAIT ANTONIN ARTAUD : Table des matières (Fayard, 2006)

Préambule
Pour en finir avec toute biographie. - Une certaine conception de la biographie. - L'identité et la question biographique. - L'identité et les jeux de la folie. - Entre littérature et folie : le statut particulier d'un écrivain. - Les témoignages. - Une existence anténatale.

Première Partie. - Les enfances (1896-1920)

Naissance. - Les origines familiales. - Premiers traumas, premières sensations. - Le scandale du moi et de l'être. - Dessine-moi un bateau... - Le Pensionnat du Sacré-Cœur. - La petite Germaine. - Les petits théâtres de l'enfance. - Marseille. - Une enfance très religieuse. - La figure de la Vierge. - Journal des Voyages et livres d'aventures. - Une enfance très marseillaise. - La mort de "Neneka". - Premiers écrits, premiers poèmes. - Les premières influences littéraires. - Les années de guerre, l'adolescence et les maisons de santé. - Les premiers psychiatres. - La structure de la maison de santé. - L'air des montagnes. - Intermède marseillais. - Digne et le 3e Régiment d'Infanterie. - 1917 : une syphilis héréditaire. - L'asile privé d'aliéné de Meyzieu. - Les cures thermales. - La clinique du Chanet. - Un roman familial.

Deuxième Partie : Les premières années parisiennes

1 - 1920 : La montée à Paris.
Le Dr Toulouse. - La scène théâtrale parisienne. - Demain : première expérience d'une revue. - Artaud, critique d'art. - Le monde scintillant du théâtre.

2 - 1921 : Une vie menée sur plusieurs plans.
Poésie, théâtre et arts plastiques. - Des vacances à Marseille et en Suisse. - Un automne très parisien. - L'attrait de l'Orient. - Charles Dullin et l'Atelier naissant. - Génica Athanasiou.

3 - 1922 : Une année très théâtrale
La vie dans la troupe de Dullin. - Poésie en revues et "Grand Magasin empoisonneur". - Marseille et l'Exposition coloniale. - Poésie : symbolisme et influences orientales. - La place Dancourt. - Entre poésie et consultations à l'Hôpital Henri Rousselle. - André Masson et le groupe de la rue Blomet. - L'Antigone de Cocteau. - La Galaxie Kahnweiler.

4 - 1923 : Ruptures, difficultés personnelles et nouvelles affinités
Artaud et Dullin : des relations tendues. - Les petites revues : de Fortunio au Bilboquet. - Les relations avec le Dr Toulouse. - Réponse à une Enquête sur le cinéma. - Le Dr Toulouse : le cinéma et la médecine. - Premier envoi à Jacques Rivière et dernières collaborations avec Dullin. - Le Grand Guignol et le théâtre de la peur. - La Comédie des Champs-Élysées. - Artaud chez Pitoëff. - Génica : les menus éléments de la vie quotidienne. - Littératures. - Les Lettres à Rivière : un droit à l'expression. - L'été 1923. - Drogues. - "Lettres de Ménage" et ennuis de santé. - Décors et machineries. - Artaud acteur : des "fautes de syntaxe". - Décembre 1923 : une triste fin d'année.

Troisième Partie - 1924-1926 : Un rebelle à l'assaut de la République des Lettres

1 - 1924 : les Lettres à Jacques Rivière, l'adhésion au surréalisme
"Uccello le poil". - Génica, ma "cocotte", ma "chérie". - Les différents angles de la vie. - Les années Cinéma (1924-1935). - Théâtres : La Comédie des Champs-Élysées. - Poésie, critique et arts plastiques. - Un été très actif. - Septembre 1924 : Les Lettres à Rivière et la mort du Père. - La rue Blomet et la rue Fontaine. - Artaud et Breton : l'arrivée dans le bateau des "dadas". - Le terreau anarchiste. - Dada, surréalisme et anarchisme. - Littérature et grandes manœuvres. - La Centrale surréaliste. - La Révolution Surréaliste.

2 - 1925 : L'année de tous les surréalismes
Surréalisme, psychiatrie et découverte de l'inconscient. - Permanences à la Centrale. - Orient-Occident. - Des lettres incendiaires. - Fermeture de la Centrale et reprise en mains de Breton. - Un tournage en Italie. - L'Ombilic des limbes et "Le Pèse-Nerfs". - De perpétuels bas-fonds psychiques. - Octobre 1925 : un mois de drames et de ruptures. - Novembre-décembre : entre boursicotage et drame sentimental.

3 - 1926 : exclusions, nouvelles rencontres, nouveaux amours
Les grandes et petites revues du Sud. - Alexandra Pecker. - La Lettre à la Voyante : Janine et Mme Sacco. - René et Yvonne Allendy. - Artaud entremetteur... - Les années Théâtre : Manifestes et mises en scène. - Les prémices du Théâtre Alfred Jarry.

Quatrième Partie - 1927-1930 : Les années Jarry

La Naissance du Théâtre Alfred Jarry. - Le premier spectacle du Théâtre Alfred Jarry (juin 1927). - Correspondance avec Paulhan. Relations avec la N.R.F.. - La vie de famille : entre Génica et Euphrasie Artaud. - La Jeanne d'Arc de Dreyer et les fêtes de Valentine. - Les difficultés d'une amitié amoureuse. - Le Cartel. - Querelles surréalistes. - Alexandra Pecker et les "Fleurs du mal". - 1928 : La bohême à Montparnasse. - Les Cafés. - Le second spectacle du Théâtre Alfred Jarry (janvier 1928). - La Coquille et le Clergyman. - L'Affaire de la Coquille. - Verdun, Visions d'histoire. - Nouvelles "lettres de ménage". - Troisième spectacle du Théâtre Alfred Jarry : l'Affaire du Songe (juin 1928). - Les suites de l'Affaire du Songe. - Les coulisses du Théâtre Alfred Jarry. - Quatrième spectacle du Théâtre Alfred Jarry : Victor ou les enfants au pouvoir (décembre 1928-janvier 1929). - Artaud scénariste. - Cinéma sonore, cinéma parlant. - Un tournage dans le midi : Tarakanova. - Un été difficile. - Le Coup de Trafalgar.

Cinquième Partie - 1930-1935 : Théâtres. Cinémas. Littératures.

1 - 1930 : - L'année de tous les cinémas.
Artaud, Salacrou et les Mystères du Moyen Age. - Meyerhold est à Paris. - Premier épisode berlinois. - Rêve, cinéma et publicité : Artaud et les Allendy. - Le Moine de Lewis. - Un automne à Berlin.

2 - 1931 : Une année balinaise.
L'amitié de Paulhan, le secours des thaumaturges. - Les (difficiles) relations avec Jouvet. - Les Croix de bois et la "Bataille de Salamine." - Le Théâtre Balinais. - Artaud conseiller et "homme de lettres". - Une conférence en Sorbonne.

3 - 1932 : Le Théâtre de la Cruauté.
Le sang d'un poète et le 3e séjour berlinois. - Paulhan et les hommes du Grand Jeu. - Du "Crime passionnel" au "Théâtre de la N.R.F.". - Un nouveau Manifeste théâtral. - "Théâtre de la cruauté" et "Théâtre de la peur". - "Il n'y a plus de firmament" : un projet avec Edgar Varèse. - Drogues et désintoxications.

4 -1933 : Le temps des amours platoniques.
La rencontre avec Anaïs Nin. - Un amour abstrait. - Une conférence en Sorbonne : le "Théâtre et la peste". - Anaïs, Anaïs. - Les Cahiers jaunes. - La radio : de Christophe Colomb à Fantômas. - Quelques mois d'attente et d'expectative...

5 - 1934 : Héliogabale, le désert et la peste.
Lecture chez Lise Deharme. - La forteresse de l'écrit. - "Le Théâtre et la peste". - L'Algérie. - L'amitié avec Balthus. - Un théâtre de l'inconscient. - Une fin d'année placée sous le signe du théâtre.

6 - 1935 : l'année des Cenci. - Convaincre... des mécènes, des directeurs de théâtre, des acteurs... - Les Cenci, côté coulisses. - Les mouvements de scène des Cenci. - Les décors de Balthus. - Une impressionnante couverture de presse. - Lendemains de fête. - Antonin Artaud et Jean-Louis Barrault. - Un séjour dans les landes. - Désintoxications. - De nouvelles rencontres féminines.

Sixième Partie - Les voyages et les années de dérive (1936-1937)

1 - L'aventure mexicaine
Les préparatifs du voyage mexicain. - "Le Réveil de l'Oiseau-Tonnerre". - Le départ. - Le Mexique de 1936. - La vie à Mexico. - Artaud conférencier. - Entre marxisme et indianité. - Le rêve mexicain. - Norogachic et le rituel des "rois de l'Atlantide". - Le Peyotl et la grande initiation. - Le retour à la vie civile.

2 - Entre deux voyages : l'épisode parisien
La réconciliation avec Breton. - Les femmes : une vie très passionnelle. - Cécile Schramme. - Les souvenirs de Cécile Schramme. - Une série de désintoxications. - Le Voyage au Pays des Tarahumaras. - Une conférence bruxelloise. - Nouvelle désintoxication et rupture. - Les Nouvelles Révélations de l'Être et la question de l'anonymat.

3 - Le Périple irlandais
Les préliminaires du voyage irlandais. - La canne de Saint Patrick. - Des démarches tardives. - Le séjour irlandais. - Les îles d'Aran. - Sur les traces de la culture celte. - Le retour au christianisme primitif. - La quête du Graal. - Artaud, le Christ et l'Archevêque. - Le "Roi du Monde". - Un changement de nom. - Vies et légendes de Saint Patrick (ou Saint Patrice). - Galway : l'Imperial Hôtel. - Dublin. - L'affaire irlandaise. - La saga irlandaise. - L'affolement des signes.

Septième Partie - Les premières années d'asile (septembre 1937-février 1943) Les structures de la folie.

1 - Sotteville-les-Rouen. Une plongée brutale dans l'univers asilaire. - De longues recherches.

2 - 1938 : transfert à Sainte-Anne. - Sainte-Anne en 1937-1938.

3 - Ville-Evrard
La condition d'interné psychiatrique. - La fonction du questionnaire médical. - "Le Livre de Monelle". - La vie quotidienne. - L'imaginaire de la folie. - Les visites de sa famille et de ses amis. - Carnaval. - Les lettres au Dr Fouks. - Des alliés difficiles. - Sorts, magie, gris-gris. - Sort à Hitler, Chancelier du Reich. - Des histoires de doubles et de sosies. - Le jeu de la folie. - Une sombre histoire d'héroïne, de rituels et de contre-rituels. - Avoir la maîtrise. - Le sabbat des Initiés. - Août 1939 : une mort symbolique. - Septembre 1939 : l'entrée en guerre. - L'année 1940. - Les amis de Ville-Évrard. - 1941-1942 : changements de quartiers. - Nourritures. - Une demande officielle de sortie. - 1942 : dernière année à Ville-Évrard. - La mise en place d'une nouvelle thérapeutique : l'électrochoc. - Novembre à décembre 1942 : les démarches d'Euphrasie Artaud et de Robert Desnos. - Transfert à Chézal-Benoît.

Huitième Partie : La période de Rodez (février 1943-mai 1946)

L'asile et la vie à Rodez. - L'électrochoc. - Un accident vertébral. - Le cas Antonin Artaud. - Réapprendre à écrire ? - Amnésie et perte d'identité. - L'Abbé Julien et les traductions. - Une nouvelle histoire de doubles. - Artaud "retrouve" sa mère et son état civil. - Mystique et conversion chrétienne. - La rencontre du délire, de la mystique et de l'électrochoc. - Lettres à sa famille, lettres à ses amis. - Janvier 1944 : lettres, colis. - Une vie quotidienne presque normale. - Avril-mai 1944 : Marie-Ange, Anne Manson, Cécile Denoël... - Les sorties dans Rodez : la cathédrale. - Les derniers temps de l'Occupation. - La guerre. - 1945 : le retour de Latrémolière. - Les Cahiers de Rodez : le livre de la naissance des formes. - Le pouvoir médical : la lutte du médecin et de son malade. - Madame Régis. - Paulhan, l'interlocuteur privilégié. - Le Dr Dequeker. - Artaud et la sexualité. - Des projets d'avenir. - Un projet d'insulinothérapie. - Des visites et des projets de sortie. - Une sortie d'essai : Espalion. - Imbroglios administratifs. - Le retour à Rodez. - La préparation du retour à Paris.

Neuvième Partie - Le retour à Paris (mai 1946-mars1948)

1 - L'arrivée.
Le Paris de l'après-guerre : Saint-Germain-des-Prés. - Premières visites, premiers contacts parisiens. - Une longue série de plaintes. - Artaud et Breton. - Écrire, tracer des lignes et des figures. - Opium, laudanum, héroïne, sirop de chloral... - La séance du Théâtre Sarah Bernhardt. - "Les malades et les médecins" : une radio-émission. - Le 13 juin : vente aux enchères. - Les "petites filles" de cœur. - Colette, la bien-aimée. - La nébuleuse ésotérique. - Premier été à Paris. - Le dandy, la décrépitude et la ruine. - Portraits et autoportraits. - Nourritures. - Des "Œuvres Complètes". - Le séjour à Sainte-Maxime. - "Artaud le Mômo" : un livre qui tient dans la poche. - Paule Thévenin, Jacques Prevel : une histoire de rivalités. - La naissance d'un enfant. - Un auteur sous tutelle financière. - De photographies en crucifixions : une journée ordinaire. - Jean Paulhan et Marthe Robert.

2 - 1947 : Suppôts et Suppliciations : une année très publique
13 janvier 1947 : La Conférence au Vieux-Colombier. - Les effets d'une conférence. - Les vitrines surréalistes. - Artaud, chef d'orchestre de toutes les radios et les glossolalies. - Van Gogh ou l'"enterrement dans les blés". - Un projet d'expédition punitive en Bohême et au Tibet... - L'antre du shaman. - Albert Camus et la complainte du Roi de Thulé. - La vie à Ivry. - Vernissage à la Galerie Pierre. - Un été de manque et de souffrances. - "L'Histoire vraie de Jésus-Christ". - Un langage et un corps désaxés. - Une radio-émission. -

3 - 1948 - "Pour en finir avec le jugement de [D]dieu"... et des hommes...
Artaud l'hérétique. - La Folie anarchiste. - Un projet de départ : "une petite maison dans le midi...". - Les Cahiers du Retour. - 1er janvier/4 mars 1948 : les dernières semaines. - 1000 dessins "pour assassiner la magie". - Les instruments de la magie. - Un "auteur radiophonique maudit". - L'histoire d'un corps. - Dernières pages, derniers souffles, derniers cahiers. - 4 Mars 1948 : mort d'Antonin Artaud.

Bibliographie
Dictionnaire des Intervenants
Index des noms propres

lundi 26 octobre 2009

FIAC 2009 : "Poetic economy" - ARISTARKH CHERNYSHEV

Aristarkh CHERNYSHEV, Poetic economy
(internet connected infosculpture, ed. 7, 2005, XL Gallery)
Photographie ©FDM, 2009

Cette œuvre d'un artiste russe familier d'Internet se base sur le système contemporain des réseaux de communication et du jeu boursier.

L'artiste met en scène le court-circuit et raccourci poétique résultant de la rencontre de deux chaînes d'information indépendantes : le fameux monologue de Shakespeare, "To be or not to be", et le relevé du cours de la bourse, qui nous parvient ici en direct, par le truchement du système de liaison Bluetooth.

À l'intersection et à la jointure des deux systèmes : une cassure. Les messages se fissurent au sein de ce qui n'est plus ni un échangeur ni un transformateur, mais un simple instrument de délitement, d'effacement.

Les messages s'aventurent désormais dans une autre galaxie. Poétique. Invisible.

Lien : www.xlgallery.ru

FIAC 2009 : "L'INSOUTENABLE LÉGÈRETÉ" DU LUXE

©FDM, 2009

198 galeries exposent à Paris un échantillon du meilleur de leur production. La qualité est au rendez-vous et sous les verrières du Grand Palais, on a tout loisir d'admirer les Maisons fantômes de Rachel Whitehead, poupées de laine de Louise Bourgeois, installations d'Annette Messager et Christian Boltanski, les toiles cotonneuses de Manzoni, œuvres au noir de Soulages et les étonnantes sculptures hyperréalistes de Duane Hanson. Son effigie d'adolescent est surprenante à plus d'un titre. Exposée sur le stand d'Emmanuel Perrotin, la réduction d'échelle (naturelle) du personnage l'apparenterait presque à un Maurizio Cattelan.

Le plaisir esthétique est donc bien au rendez-vous. Y compris dans le stand de prestige réservé à quelques œuvres de prix et de poids : Picasso, Bacon, Brancusi, etc.

Le sentiment d'ensemble qui se dégage de cette Fiac s'avère, pour le reste, représentatif d'une grande partie de l'art produit ces toutes dernières années : un art de plus en plus léger. Très people et très "mode". Un art du paraître. Fait pour ne pas choquer, ne pas heurter. Ou juste ce qu'il faut ! Juste ce qui "convient".

Cet art est coloré, amusant, parfois comique ou dérisoire. Il s'agit souvent d'œuvres dont on saisit d'emblée quelle place elles peuvent trouver au sein d'intérieurs très design et eux aussi très "mode".

Cet art-là est, par rapport à la violence et aux actuels enjeux de notre société, de plus en plus décalé. Disjoint. Il ne se réfère qu'à l'écume de la réalité.

Sur le trottoir ce matin, près de l'Opéra de Paris, un SDF, un de ceux qu'autrefois on appelait un clochard, avait étalé sur le pavé mouillé des coupelles fabriquées à l'aide de canettes de soda métalliques. Colorés, dérisoires, et en un certain sens très "mode", ces objets auraient pu figurer sur certains stands de la Fiac.

Mais la relation était ici inversée. C'étaient ces pacotilles sur le trottoir, ces rebuts de la société de consommation, qui me renvoyaient comme un curieux reflet de l'actuel monde de l'art.

mercredi 21 octobre 2009

EDGAR VARÈSE ET GARY HILL : HALTE AU "TOUT IMAGE"

Edgar Varèse

Le Festival d'automne nous a récemment offert "Edgar Varèse 360°". Avec quelques-unes de ces pièces visionnaires (Hyperprisme, Octandres, Amériques, etc.) qui font de Varèse un découvreur et bien plus qu'un pionnier de la musique contemporaine. Un moderne à part entière. - Influences orientales. Musique concrète. Maîtrise de la dissonance. Et jusqu'à cette dimension spatiale, plastique et "imagée" du son.

C'est là toutefois que surgit un gigantesque malentendu. Il n'est pas besoin d'ajouter des images (et en l'occurrence un environnement vidéo) à la musique de Varèse pour en percevoir la dimension plastique. Bien au contraire. Cette plasticité du son surgit naturellement du timbre et de l'étagement des sonorités. La musique engendre ses propres images. C'est là le miracle de ce que l'on nomme la "synesthésie" ou correspondance entre les sens.

L'appel donc à ce grand vidéaste qu'est Gary Hill (rendons hommage au passage à son œuvre plastique) est ici non seulement inutile, mais néfaste. Cette démarche est réductrice. Cette multiplication d'images (de synthèses ou d'enregistrement d'objets) s'avère anecdotique. Futile.

Pour retrouver la dimension plastique et colorée de la musique de Varèse, il me fut nécessaire, durant le concert, de fermer les yeux.

Halte donc à la vogue du "TOUT IMAGE". L'image aussi est chose fragile. Il ne sert à rien de la galvauder. Il convient de retrouver le sens de la rareté de l'image.

Ce pourquoi j'apprécie tant la pureté des jardins zens.

Le son aussi parfois m'y est donné : sous les espèces d'une ride, d'un plein.

Ou d'un vide...

samedi 17 octobre 2009

L'AFFAIRE ARTAUD : Tables des matières (Fayard, 2009)

Préambule
Prologue : 4 mars 1948. — La scène originaire

1 — La fille placée "en sentinelle"

Un destin posthume. — La question du legs. — Une efficace sentinelle. — Artaud, Paule et Jean Genet. — Un bien curieux anonymat. — Quelques voix divergentes. — De quelques rituels funéraires : la dépouille, les fétiches et les clous. — Une malle voyageuse. — Un auteur sous tutelle, une famille présumée bigote. — Cette autre "tutelle" de Paule Thévenin. — Les "deux" familles.

2 — 1946-1959 : des années décisives

Les relations de Gallimard et de la famille Artaud. — Des dissensions apparaissent entre le frère et la sœur. — Fernand Artaud : l'ombre ou le négatif d'Antonin. — Fernand Artaud ne badine pas avec certaines "outrances verbales".

3 — 1981. Comment j'entre dans l’Affaire Artaud

Dans la tanière du dragon. — 1982 : Des tractations très secrètes. — 1983-1984 : Portraits et Gris-gris. — Interdits de reproduction (première censure). — Interdits de reproduction (suite) : une chasse aux images. Des collectionneurs sous "influence". — Entrée en lice de Monsieur le ministre d’État. — Interdiction "ministérielle" de reproduction. — Une expérience éditoriale. — Lendemains de fête : Gallimard, finalement, change d’avis. — 1986 : Portraits et dessins par Paule Thévenin et Jacques Derrida.

4 — "L’héritier des héritiers"

Une "armoire" vide. — Le rebondissement de l’Affaire. — Oralité et transmission : la Dactylographe inspirée. — 1991 : des soutiens de poids. — 1991 : Art Press à l’offensive. — Un protocole d’accord (février 1991). — "Libérez Artaud !" — Une somme de travail. — 1992 : l'élargissement du débat : "À qui appartiennent les écrits posthumes ?" — L’amalgame des "Affaires". — La "valeur marchande" des manuscrits et des dessins : une réévaluation. — De nouveaux effets de censure induits par l’Affaire Artaud.

5 — 1993 : une année charnière

"Artaud, ce Désespéré…" — Un droit de citation. — Le retour de la "sentinelle". — Colloque à Montréal. — 25 septembre 1993 : mort de Paule Thévenin.

6 — 1994 : l’affaire de la transcription des manuscrits

Le Nouvel Observateur. — Débat au tribunal. — Un certain article du Monde. — Lettre ouverte à Josyane Savigneau (Le Monde). — Œuvres posthumes, Œuvres complètes. — La réaction de quelques intellectuels. — La première page du manuscrit : une singulière transcription. — De Philippe Sollers à Serge Malausséna. — Une lettre (non envoyée) à la communauté intellectuelle. — La question juridique. — Le Monde et le "coupé-collé Macintosh". — De quelques incidences de l’Affaire. — Le Trésor de la Bibliothèque nationale de France. — Mars 1995 : Ouverture du Salon du Livre au Grand Palais. — Libération, 21 mars 1995 : une enquête unilatérale. — 16 octobre 1995, Salon du livre du Mans : "Artaud toujours en débat". — Rodez, 26 mai 1996 : Journées Antonin Artaud.

7 — Le grimoire et l’écriture magique

Les premiers pas d’une Muse. — Lisible, Illisible. — Artaud, "Paule" et Jacques Prevel : les avatars d’une édition. — Une lecture ligne à ligne. — Le "futur" Cahier d'Ivry. — Les Cahiers d’Artaud. — Petite chronique d’un colloque annoncé : Barcelone 2009. — L’héritage de Paule Thévenin.

8 — Nos amis les psychiatres…

Une "affaire" dans l’"Affaire". — Le docteur Ferdière, — Gaston Ferdière : un paravent commode. — Jacques Latrémolière : un médecin très chrétien. — 1996, deux visions de la même réalité : Sur l’électrochoc, le cas Antonin Artaud ; Artaud et l’Asile 2 Le Cabinet du Dr Ferdière. — Les traitements de choc : les dénégations du corps médical. — L’électrochoc, la psychiatrie et les réactions de la presse. Le Monde amorce un tournant. — Une double censure. — Derrida et le "chantier" psychiatrique. — Un serpent de mer : le dossier médical d’Artaud. — Une exposition en trompe-l’œil. — De l’électrochoc comme pratique d’art-thérapie ?— Les électrochocs de Ville-Évrard. — Le cabinet de curiosités du Dr Venet. — La Comptine à Roudoudou. — Une interview "roborative". — Résistances. — Des secrets bien gardés. — La thèse du Dr Fouks. — L’Asile de Rodez, au moment de l’arrivée d’Artaud. — Des informations périphériques. — La forteresse psychiatrique. — La "Société des amis", le temps des "tribus".

9 — Un inconscient "déstructuré façon Mômo"…
Où comment l’Affaire Artaud investit le champ psychanalytique


De la "famille posthume" (façon Ferdière) au "corps imposthume" (d’un Artaud revisité par Bernard Noël). — "Artaud et Paule" retravaillés par la psychanalyse. — Les marionnettes d’Internet. — Totem et Ancêtre Mythique.

10 –— Jeux et enjeux de la presse écrite
Petite Anthologie des années 1946-2002


1946-1948 : Une atmosphère de Grand Guignol. — 1950 : premiers combats, premières pétitions. —1950 : Combat monte à nouveau en ligne. — 1950 : premières lettres de soutien. — Les Réactions. — Et la légende répondit en écho… — Le "combat" de Maurice Nadeau. — 1959 : la réactivation de l’Affaire. — 1959 : le "coup de Jarnac" ou la bagarre des revues. — Marie-Ange Malausséna : une virulente lettre ouverte. — 2002, Glissements progressifs de la critique : réédition des numéros de La Tour de Feu. — Décembre 1959 : le bloc-notes de François Mauriac. — "ARTAUD N’ETAIT PAS FOU". — Quelques voix divergentes. — Sollers, Tel Quel et les "miasmes" familiaux. — La chasse aux universitaires. — L’Affaire et ses rebondissements médiatiques, après 1991. — Sollers et la théorie du complot. — Les "Exagérés" : enflure, pathos et hystérie.

11 — Le Vaisseau amiral change de cap

Octobre 2000 : où il est encore question de Paule Thévenin. — Un détour par Gallimard. — Une relation fétichiste. — Van Gogh ou les tribulations d’un manuscrit. — L’antre des manuscrits : l’accès au "Trésor" de la Nationale. — Parole soufflée, parole raptée. — Un petit tour de prestidigitation : 50 dessins pour assassiner la magie. — L’invention d’une spécialiste. — 2004 : sortie du Quarto. — Polémique autour du Quarto. — Un présupposé christique.

12 — 2006. L’éditeur "historique"

La préparation d’un catalogue. — Gallimard, l’"éditeur historique". — Un Cahier d’Ivry. — Le contrôle de l’appareil critique. — La réception d’une biographie. — Le Monde et les deux "sœurs" ennemies. — Une microphysique du pouvoir. — Les effets de censure induits par le surgissement du biographique. — 2008 : Où je croise quelques fantômes. — Le corps du délit : une réédition longtemps différée. — De la censure, répétée. Réitérée.

13 — "La Société des amis"…

L’Association des Amis de l’œuvre d’Antonin Artaud. — Un déni de filiation. — Censures et suspicions.

14 — Humain, trop humain : "des amis aux écrits"

Du bouquet de violettes de Jean Paulhan à la valse des enveloppes. — Le syndrome du témoin. — Les contradictions entre les témoignages. — Un poète doué d’ubiquité. — Les témoignages tardifs. — "Témoins, faux-témoins"… — Une névrose d’État. — Collloque de Cerisy-la-Salle : une étrange histoire. — Les amis collectionneurs. — Le légataire, le musée et l'appareil critique. — Cérémonies à France Culture et à Sciences Po. — De quoi est-il question ? — Manipulations.

15 — Une cascade de procès

Les jugements : la littérature au tribunal. — L’héritier, "prêtre du culte de l’œuvre"… — L’ombre portée de Roland Dumas. — 1963-1968 : L’Affaire Roger Gilbert-Lecomte. — De Roger Gilbert-Lecomte à Antonin Artaud : "FAMILLE, JE VOUS HAIS !" — Roland Dumas, collectionneur. — De l'Affaire Picasso à l'Affaire Artaud. Plaidoyer imaginaire de Roland Dumas : "Détruisez ce sexe que je ne saurais voir !" — Février 2008 : "Le Fil et la pelote". — 2004-2008 : de certains emballements juridiques

16 — L’impact de l’Affaire sur l’appareil théorique

"Artaud sans légende" : effets de glose et glissements progressifs de la critique. — "Le meurtre de la Lectrice". — "Possédés. Tous possédés !" — Une "lecture-témoignage". — L’impossibilité du livre… — Sauvons la martyre Thévenin ! — Entrée en scène des ventriloques. — Télérama : une histoire de "subjectiles". — Protoparole d’Artaud et effets de "vortex". — Impouvoir d’Artaud. Impouvoirs de Jacques Derrida. — Derrida : l'empire de la parole soufflée. Les avatars de la DÉCONSTRUCTION. — Derrida : une histoire de Grand Gourou. — De deux sortes de propriétés : "incorporelle" et "matérielle" : le "subjectile", la vignette et le timbre-poste. — Le CODEX ARTAUD.

Ceci n'est pas une conclusion.
L'Affaire ? Les Affaires ? — Dernières pages.

Épilogue

DOCUMENTS

A. A propos du Van Gogh
B. "50 dessins pour assassiner la magie"
6 - Les dessins d'Artaud. — DEUX LECTURES.

Bibliographie
Index

dimanche 4 octobre 2009

"DUCHAMP EN FORME DE READY-MADE"

Dans le Grand Cosmos de l'art moderne : l'œuvre "trouvée" de Marcel Duchamp. Signée "à ma façon" et transformée en un ready-made d'un nouveau genre : une fiction légère, ludique et ironique dont la matière n'est autre que l'œuvre protéiforme de notre "Duchamp Dusigne".

D'où la prospection d'un nouveau genre littéraire : celui de la "théorie-fiction". Histoire de l'art revisitée par l'imaginaire de celui qui la traverse.

Et comme l'on n'est jamais si bien qu'en bonne compagnie, je me suis adjointe quelques acolytes de poids :

* les jeux scientifiques joliment illustrés de la fin du XIXe siècle, que Duchamp appréciait tant. Telles ces Récréations scientifiques de Gaston Tissandier.

* le Grand Borges soi-même. La matrice textuelle de sa très Grande Bibliothèque de Babel servant ici de moule et de grille de lecture aux avatars et aventures de notre "marchand de sel".

* Umberto Eco m'avait antérieurement (Borges & Borges illimited, Blusson 1993) fourni la matière d'une énigmatique et très mobile Préface. Borges se prête ici au jeu des doubles et des substitutions dans une Préface à effets de miroir.

Alors, amusez-vous. Pliez, dépliez, froissez les images, les signes et les mots de ce livre mille-feuilles, livre-accordéon, livre à soufflets et à pistons. À l'image du Grand Corps de la Mariée dont il est issu.

cf. www.editions-blusson.com

jeudi 1 octobre 2009

MARCEL DUCHAMP : LES POLAROÏDS D'"ÉTANT DONNÉS..."

Exposition, en cet automne, au Musée des Beaux-Arts de Philadelphie d'un ensemble de "travaux" ou éléments préparatoires à la fabrication d'"Étant donnés...", dernière pièce laissée à la postérité par Marcel Duchamp.

La mise en place (des plus secrète) de ce dispositif érotico-duchampien s'étale sur un laps de temps de vingt ans (1946-1966). Duchamp eut tout loisir pour monter, démonter, mouler, démouler, dessiner et architecturer sa singulière chambre optique. On découvre aujourd'hui que parmi tous ses travaux préparatoires (qu'il vaudrait mieux concevoir comme les rituels successifs d'un gigantesque work in progress) figurent quelque soixante-dix polaroids.

Photographies instantanées prises par Duchamp dans son atelier de New York. Il appréciait particulièrement la dimension physique et "matérielle" de la gélatine du support. Perçue par lui de manière tactile. Et comme une seconde peau. Venant achever, parfaire et souligner la sensualité de son installation.

La photographie (et, en l'occurrence, la photographie dite "instantanée") aura ainsi hanté la totalité du parcours de Duchamp. On se souvient de ces plaques photographiques du tout début du XXe siècle, rangées dans des "Boîtes" dont il goûtait l'apparence et l'apparat : Plaques extra rapides au gélatino-bromure d'argent des Établissements Lumière et Jougla.

* Voir les "objets" sur le site www.philamuseum.org

lundi 28 septembre 2009

MARCEL DUCHAMP : LE READY-MADE ANONYME

Voici une série d'historiettes mettant en scène Duchamp et son fameux ready-made, le porte-bouteille acheté en 1914 au BHV, qui aura eu un tel impact sur l'histoire de l'art.

- Il y a une vingtaine d'années quelle ne fut pas ma stupeur de découvrir, dans un débarras d'Emmaüs, le porte-bouteille en question. Anonyme. Rouillé. Superbe. Perplexité et réflexion me firent louper l'objet en question, acheté je ne sus par qui : "amateur d'art" (comme moi) ou "simple particulier" ? J'entretins bien (et entretiens toujours) quelque regret ! Mais celui-ci ne fut pas bien vif. J'étais finalement contente d'avoir raté l'objet tant convoité !

- Cette histoire de porte-bouteilles "à la Duchamp" rebondit en mai 2008. Préparant une conférence sur l'objet détourné pour le Québec (et le 3e Imperial : salutations, au passage !), j'eus la curiosité d'aller sur le site de ventes aux enchères d'ebay. J'y découvris toute une série de porte-bouteilles, tous plus kitch les uns que les autres. Et, ô miracle, un porte-bouteille "à la Duchamp". Mis aux enchères. Une personne avait déjà enchéri : 9,99 euros !

Alors évidemment, je me tâte une fois de plus ! Mais la petite annonce est précise : le porte-bouteille est en banlieue parisienne, il ne sera pas envoyé par la poste, il faut aller le chercher ! - Je serai, à la fin des enchères, au Québec ! J'imagine pourtant le voyage jusqu'au lieu de résidence du porte-bouteille "façon Duchamp", "à la Duchamp", "de" Duchamp. Une action somme toute ! Une performance. Un pèlerinage à l'origine du ready-made.

Le ready-made, encore une fois, me resta inaccessible. C'était bien. Je souhaitais que le ready-made me soit à jamais inaccessible. Désiré, effleuré, contourné, mais jamais "possédé".

- Surfant récemment sur Internet, j'ai retrouvé deux fois le prototype anonyme en question. Sur ebay, tout d'abord, où il était, cette fois-ci, annoncé comme un "fameux porte-bouteille". Les consommateurs, on le voit, ont aujourd'hui des lettres et savent distinguer un "authentique faux Duchamp" d'un quelconque porte-bouteille.

- À quelque temps de là je repérai sur un site l'image de l'objet et le commentaire d'une jeune personne dont je me dis que "peut-être", elle avait acquis l'objet en question. Ou son double. Salut donc à l'heureuse élue, la propriétaire de ce "vrai faux Duchamp" que je continuerai à caresser sans jamais l'acquérir.

Nota bene
: je vous offre ici l'image ou le double d'un quelconque "vrai faux Duchamp". Mais allez donc savoir si ce double n'est pas le reflet de l'authentique Duchamp ? Ou de son exquis prototype ?

dimanche 20 septembre 2009

BOB WILSON ET LE "BERLINER ENSEMBLE"

Associées l'une à l'autre, la puissance du Berliner Ensemble et l'épure de l'esthétique de Bob Wilson font de cet "Opéra de Quat'sous" une expérience plurielle, complexe. Riche comme un millefeuille.

Deux esthétiques, deux mécaniques s'additionnent et s'entremêlent ici, donnant à cette mise en scène une brillance, une légèreté que l'on pourrait dire "sublime". Au sens que Kant donnait à ce terme. Ce qui n'empêche pas la pièce de déboucher sur une épaisseur, une profondeur tragi-comique qu'elle doit autant à la puissance du texte qu'à l'impressionnant travail, au "métier", de la troupe du Berliner.

Scansion géométrique des néons qui architecturent la scène, silhouettes et masques "surbrodés" des acteurs dont les figures se découpent fréquemment en ombres chinoises, gestuelle suffisamment décalée pour que l'on puisse évoquer le jeu de l'acteur expressionniste, étincellement rauque des voix et des "songs" : nous naviguons d'emblée au sein de cette légère outrance où nous entraîne tout opéra.

Riches et pauvres, banquiers et gangsters, hommes de pouvoir et petit peuple des rues : sur la scène se superposent, et se lisent, les unes dans les autres, la ville de Londres au XVIIIe siècle, le Berlin des années 1930 et ces autres mégalopoles de notre époque troublée.

ANTONIN ARTAUD (1896-1948) ET BERTOLT BRECHT (1898-1956)

"... j'avais, bien que désincarné, une sensibilité organique, celle de mon corps au-dessous de moi dont je n'étais pas détaché et qui me rappela.
Or on a sa conscience dans son corps et non ailleurs."
(Antonin Artaud)

Lors d'un débat sur la vie du poète, un spectateur un jour m'a demandé ce qu'il en était, de son vivant, des éventuelles relations d'Antonin Artaud avec Bertolt Brecht. J'avais été alors quelque peu désarçonnée.

Artaud effectivement ne fait jamais aucune allusion à Brecht. Rien ne semble montrer qu'il l'ait rencontré lors des séjours successifs qu'il a effectué à Berlin entre 1930 et 1932. Il ne semble pas avoir connu les recherches du metteur en scène allemand.

Seul lien, mais il est ténu : le tournage, à Berlin, avec Pabst (à l'automne 1931) de cet Opéra de Quat'sous (écrit et monté par Brecht en 1928). Artaud y campe un petit rôle. Brecht avait participé dans ses débuts à l'élaboration du scénario du film. Mais des divergences de vue étaient vite apparues entre lui et Pabst. Loin donc d'être un lien entre Artaud et Brecht, Pabst dut plutôt constituer un écran entre les deux hommes.

En 1932, Brecht monte "La Mère". Artaud (qui séjourne à Berlin en avril-mai 1932) eut-il l'occasion de voir la pièce ? Des échos lui en parvinrent-ils ? Nous n'avons sur ce point aucune information. Il ne semble pas que Brecht ait jamais, de son côté, évoqué une quelconque rencontre avec l'auteur du Théâtre Alfred Jarry.

Les deux hommes sont connus pour leurs divergences théoriques. On a coutume d'opposer (sans doute un peu rapidement) la théorie brechtienne de la "distanciation" à cet autre point de vue que défend l'auteur du théâtre de la cruauté, de totale "participation" de l'acteur et du spectateur à ce qu'ils vivent par le truchement de la scène.

Cette radicale opposition serait à nuancer. Ce sentiment d'"étrangeté" que Brecht souhaite maintenir - sous forme d'une "distance" diamétralement instaurée entre l'homme et ce qu'il éprouve - Artaud le vit bien, mais de l'intérieur. Artaud habite l'étrangeté.

La forme de "mystique" théâtrale et païenne qu'Artaud développe dans les années 1923-1935 se complète, à partir des années d'asile, d'une forme de conscience suraiguë qui appelle dissociation, distanciation, dédoublement. Ces processus sont d'ailleurs constamment à l'œuvre chez Artaud. Il n'y aurait, sur ce point, qu'à relire les Lettres à Jacques Rivière.

Son passage (entre 1937 et 1946) par les asiles d'aliénés, le fait d'avoir à supporter des traitements psychiatriques lourds comme l'électrochoc, tout cela l'amènera à développer une tout autre conception du théâtre. Autour de 1939-1945, le Mômo brûle toujours, mais sur le bûcher de l'asile.

Une forêt de doubles l'accompagne désormais, qui le regardent brûler... Telle cette figure qu'il décrit, cette forme de lui-même qui l'observe du fin fond de ce qu'il nomme "le Bardo de l'électrochoc".

samedi 12 septembre 2009

LOUIS-FERDINAND CÉLINE : L'ARRIVÉE SUR NEW YORK

New York, 2008 ©FDM

"Figurez-vous qu'elle était debout leur ville, absolument droite. New York c'est une ville debout. [...] chez nous, n'est-ce pas, elles sont couchées les villes, au bord de la mer ou sur les fleuves, elles s'allongent sur le paysage, elles attendent le voyageur, tandis que celle-là, l'Américaine, elle ne se pâmait pas, non, elle se tenait bien raide, là, pas baisante du tout, raide à faire peur. [...] Ça fait drôle forcément, une ville bâtie en raideur."
(Voyage au bout de la nuit).

La touche célinienne. - On voit bien comment Louis-Ferdinand Destouches passe outre à toute formulation qui serait purement esthétique. Pétrie d'humanité, taillée dans l'épaisseur des passions et des sentiments, New York est d'emblée perçue de manière anthropomorphe.

De l'humain. Rien que de l'humain. - Mais attention : rien de nonchalant, de tordu ou de reptilien. La valeur fondamentale y est celle du "droit", du "vertical", du "raide". New York se présente d'emblée comme une grande puritaine. Dressée du sol au ciel. Comme si toutes les formes de rigidité morales s'étaient cristallisées dans les verticales de son architecture.

Aucune autre ville ne donne une semblable impression. Notons qu'à l'époque, New York est approchée par bateau. Tout autre, aujourd'hui, en est l'approche aérienne. Dans une plongée, qui plaque les verticales au sol.

La présence de la mer toutefois et des nombreux bateaux qui la sillonnent, distingue cette expérience de l'approche aérienne hallucinante de Sao Paulo. Ville minérale. Univers urbain porté au carré dont l'habitat (serré, si serré) se démultiplie à l'infini, constituant le seul horizon d'une planète envahie par l'humain.

jeudi 10 septembre 2009

ALAIN VIRMAUX, Sur L'AFFAIRE ARTAUD (EUROPE, août-septembre, 2009).

Un "bon papier". Ils ne sont, dans mon cas, pas légion et sont d'autant plus appréciables. Je ne ferai à leur auteur que de très légères remarques sur quelques points de "résistance".

1° La rigueur et la question "ethnographique"

"pouvait-on concilier cette ambition historique et "ethnographique", qui suppose un minimum de rigueur, avec la subjectivité débridée qu'implique le pamphlet ?" (A.V.)

- L'ouvrage, rappelons-le, accumule les faits, les citations de documents - articles, livres, archives (dont beaucoup d'inédites) -, opinions attestées des uns et des autres. Ce n'est certainement pas, à ce niveau, le manque de rigueur qui peut m'être reproché. Certains pourront d'ailleurs estimer (sur ce point, comme au niveau des conclusions qui en découlent) une rigueur trop grande...

- "Journal ethnographique" : pourquoi ? - Parce qu'à partir de 1981, j'entre dans l'Affaire et en fait désormais partie. Gommer ce point aurait été une grande malhonnêteté et c'est alors que l'on aurait pu me reprocher une subjectivité "débridée". - Que l'on m'explique ensuite précisément sur quels points ma subjectivité est "débridée" ! Je ne manque sur tout ce que j'aborde ni de documents, ni de faits, ni d'arguments.

2° Les Lettres ouvertes au Monde et à Libération (1994-1995)

Alain Virmaux me précise qu'il n'en a alors pas eu connaissance. Doit-on pour autant affirmer, avec lui, qu'elles "restèrent sans écho" ?

Ce sont bien autour de "2000 personnes" qui à l'époque ont "lu" ma Lettre ouverte au Monde. Un ample article de Jean-Pierre Thibaudat dans Libération fait état en 1995 de ma position. Un débat organisé par France Culture (et retransmis sur les ondes) pris place, la même année, en ouverture du Salon du Livre au Grand Palais. Un autre débat eut lieu au Salon du livre du Mans en octobre 1995. J'ai participé à ces deux débats et ma lettre au Monde y fut beaucoup plus qu'évoquée. Les documents et le récit de tout cela figure dans L'Affaire Artaud.

3° La question de l'"amitié" et de la "fidélité"

"Le lecteur de son livre acceptera difficilement l'acharnement déployé par exemple contre Bernard Noël, coupable surtout d'avoir été le destinataire de la "Lettre à un ami" (lettre de Paule, faut-il le rappeler ?), et d'être ensuite resté fidèle à une mémoire." (A.V.)

Je consacre deux chapitres de l'ouvrage à cette redoutable question de la fidélité et de l'amitié. Il n'est pas question pour moi d'attaquer ce principe de "fidélité à une mémoire" (celle de Paule Thévenin). Je suis, par contre, en désaccord total avec le contenu des écrits et prises de position de Bernard Noël qui me paraissent constituer une infidélité radicale à l'œuvre d'Artaud.
Est-ce moi qui m'acharne ou Bernard Noël et tous ceux qui l'ont relayé ? - J'aurais bien souhaité le voir encombrer moins souvent les pages de ce livre. Nier cette omniprésence du discours de Bernard Noël n'aurait manifestement pas été très "objectif".

4° Raison et déraison de l'Affaire Artaud

"Difficile d'être en accord avec tous les chapitres de ce "Journal" effréné, déraisonnable, mais souvent instructif. Comme tel, il mérite d'être lu." (A.V.)

Il n'y a pas consensus sur ce livre. Tant mieux. - Est-il maintenant "déraisonnable" ? Ou, au contraire, par trop "RAISONNABLE". Et inquiétant par cela même. C'est ce que beaucoup de lecteurs me disent. La "déraison", c'est dans le détail de l'Affaire qu'elle se situe et là, croyez-moi : on est gâté.

lundi 7 septembre 2009

AFFAIRE ARTAUD : Une lettre de LAURENT DUBREUIL

Laurent Dubreuil m'autorise à reproduire la missive qu'il vient de m'adresser. À la condition expresse que celle-ci soit reproduite "intégralement". - Dont acte!

Lettre de LAURENT DUBREUIL (05/09/09)
"Je trouve hier votre "journal ehtnographique", avec le délai dû à mon habitation transatlantique, et lis avec surprise les commentaires que vous accordez à quelques pages (que vous ne cherchez pas à comprendre) de mon premier ouvrage, "De l'Attrait à la possession". Pour que votre critique porte en quelque manière, il faudrait que vous soyez capable d'entrer dans la logique d'ensemble de ce livre. Manifestement, vous en êtes surtout restée au chapitre Artaud (et encore), et je doute que vous ayez eu l'application suffisante (je ne parle ni de la patience ni de l'aptitude) pour saisir l'argument. D'où les erreurs en rafale, sur mon "blanchotisme" (il suffit de lire la troisième section pour saisir l'écart), sur la consistance théorique de mon hypothèse, etc. Là-dessus, tant pis pour vous, le livre existe indépendamment de votre non-lecture, je n'ai pas à redire en peu de lignes ce que j'y dis en plus de trois-cents pages.

Me gênent davantage les fausses intentions que vous me prêtez : "Sauvons la martyre Thévenin !" (598), que, d'après moi, "elle seule peut lire" Artaud (599), qu'il serait nécessaire pour éditer Artaud de pratiquer l'art "médiumnique" (599), que je suis en gros dans le même bateau que Bernard Noël. Il y a là vraiment un problème. Au contraire, dans mon ouvrage, je soutiens très exactement que l'édition de l'inédit par Thévenin est une reconstruction indue, qu'elle met sens dessus dessous le texte, le travestissant et l'altérant d'une manière scandaleuse et "interloquante". Toutes choses dont on peut s'apercevoir en regardant les manuscrits (au passage, j'en ai évidemment vu d'autres que lestrois cahiers que j'étudie) ; ou, plus finement, en comparant la poétique des derniers textes publiés par Artaud, et les transcriptions posthumes des cahiers. (Quant à Noël, l'une de mes deux communications à Cerisy en 2004 était intitulée, à son encontre, "Plus Artaud que Paule". Assez univoque, non ? Le texte est encore à paraître, mais je n'y suis pour rien.)

Seulement, à votre différence, j'ajoute que tout le scientisme de l'ITEM n'aboutirait pas à une édition parfaite d'un texte, qui, dans sa scripture même, était censé maintenir le corps vivant d'Artaud. Du coup, si ce corpus est traité comme chose morte (ce que vous proposez p. 597), alors cette "meilleure" édition du point de vue diplomatique (avec fac-similé idéalement, comme je le disais aussi dans De l'Attrait à la possession, p. 219) ne serait, au mieux, que la moins imparfaite possible. J'ai en revanche clairement soutenu, dans le livre et lors de plusieurs colloques (à Cerisy en 2004, à Minneapolis en 2009), que beaucoup d'éditions (pas toutes) seraient préférables à celles dont nous disposons pour les cahiers. J'avais avancé, en 2003, qu'il existait des options de transcription "plus ou moins mauvaises" (p. 219 de mon livre). Les parages du plus mauvais, évidemment, c'est, pour l'instant, Thévenin. Et justement parce que, tout comme vous, elle prétendait à la fois pouvoir accéder à la vérité absolue d'Artaud plus que tout autre et se contenter d'éditer le texte sans le lire (ce qui est une absurdité).

D'où la question : dans la mesure où j'étais il y a six ans déjà extrêmement critique avec l'édition Gallimard (et ce malgré ma proximité intellectuelle et personnelle avec des gens qui la tenaient pour remarquable, en particulier Jacques Derrida), pourquoi aviez-vous besoin de prendre récemment de telles distances avec ma réflexion, et de diffamer les positions que je tiens ? Vous correspondez assez bien, finalement, à cette pulsion d'appropriation par effet de possession que je décris dans mon essai, et qui pourrait vous apparaître - si vous lisiez Artaud plus que la presse mondaine - comme l'un des pièges tendus par l'œuvre.

Autre réponse, plus triviale, vous êtes très vexée, ouh là là très vexée, que je ne cite pas votre lettre ouverte au Monde et quelque autre libelle de vous. Donc j'avoue : lorsque j'ai publié mon livre, je n'étais simplement pas au courant de vos lettres ouvertes. Dites que j'ai mal fait ma recherche, si cela vous chante, mais inutile d'en parler au jury du " thésard " que vous me faites redevenir à plusieurs reprises - ô jouvence ! -, j'ai soutenu ma thèse il y a une paye, et je ne serai donc pas puni par mon " patron " (c'est apparemment votre intéressante conception de l'enseignement, madame l'ex-chargée de TD). Pis : contrairement à ce que vous laissez entendre, ni Florence de Lussy ni Serge Malausséna n'ont jamais évoqué votre nom lorsque je les rencontrais au début des années 2000. Peut-être que votre influence n'est pas celle que vous croyez, allez savoir si cela peut tenir à la qualité de vos livres.

- "Artaud est pour moi un champ de recherches important" dites-vous en préambule de votre pavé (17). Considérez ici les différences. Ceux qui s'intéressent à Artaud (ses lecteurs, critiques ou pas) sont sans doute moins convaincus que vous de l'importance de votre "recherche". Et "pour moi", Artaud est le nom d'un texte et d'une expérience extraordinaires, qui me permettent de penser mieux. Sûrement pas ce "champ" que vous revendiquez, cette pitoyable spécialité médiatico-universitaire dans lequel vous, et tant d'autres, semblez vainement chercher à le cantonner.

L.D.
Réponse de FLORENCE DE MEREDIEU

Votre mise au point est importante. Je vous répondrai en deux temps. Sur le contenu de votre lettre, tout d'abord. Et ensuite sur le fond, en revenant sur la lecture que j'ai faite, et fais toujours, de votre livre de 2003.

- "Non-lecture" dites-vous dans cette lettre manifestement écrite sous le coup de la colère. Ce que je peux comprendre, même si elle s'accompagne de propos quelque peu outrés. Mais vous jugiez les miens de même...

Il n'y a pas de "non-lecture". Il n'y aurait que des lectures biaises ou erronées. Se situer dans une non-lecture, c'est faire en sorte d'échapper à toute analyse, toute critique et toute "interprétation". Ce qui vous conduit à ramener toute "lecture" de votre texte, que vous n'approuveriez pas, à un processus de "diffamation". Ce qui est un processus curieux.

Il ne s'agissait pas pour moi de traiter, dans L'Affaire Artaud, de l'ensemble de votre livre. Dans ce que vous dites de Blanchot, seul m'importait ce que vous en articuliez par rapport à Artaud et à la question de la transcription et ce qui me semblait en résulter sur un plan "théorique" (C'est l'objet du chapitre où vous figurez). Telle cette fameuse problématique du "livre impossible" qui fait pour moi problème dans la mesure où elle débouche dans votre livre sur un processus que je dirai de "transcription impossible". Les pages dans lesquelles je parle de votre livre étant au nombre de 9, Blanchot n'étant pas cité à toutes les pages, les supposées "erreurs en rafales" (lesquelles ?) correspondent à une trajectoire bien courte.

Mon livre ne peut évoquer vos communications de 2004 et 2009 (je n'y ai pas assisté ; elles ne sont pas publiées) mais exclusivement votre livre publié en 2003. Votre pensée a manifestement évolué. Votre critique s'est précisée. Il est donc important que votre lettre soit ici présentée. Elle aura l'avantage de clarifier les choses. En présentant votre actuelle position.

Ce qui m'avait frappée dans votre premier ouvrage, "De l'Attrait à la possession", c'est que vous évoquiez bien ces lacunes, ces éléments interloquants de la transcription (5 CITATIONS DE VOUS FIGURENT SUR CE POINT DANS MON LIVRE, p. 592). Je le dis d'ailleurs "Il y a bien distorsion ; l'auteur en convient." (p. 592) Mais vous multipliez tout aussitôt des arguments qui contrent, effacent ou diluent ces critiques (LÀ AUSSI, LE LIVRE VOUS CITE). C'est d'ailleurs un processus que j'ai retrouvé à l'époque de manière quasi constante chez les "intellectuels". On voulait bien dire, mais sans dire. Ou tout en enrobant. - En étiez-vous conscient ? Était-ce de votre part intentionnel ? Je ne le pense pas.

Ces éléments-là, déterminants pour comprendre ma position, votre lettre ne les évoque nullement. J'y reviendrai.

Les thèmes que vous développez en 2003 recoupent ceux-là mêmes que l'on trouve, à l'époque, chez Bernard Noël, Simon Harel et bien d'autres : la lectrice, l'œuvre impossible, le lire-écrire, la lecture-témoignage, la lecture-envoûtement, la lecture-possession, etc. Que vous ne les traitiez pas de la même manière ni sur le même plan, c'est certain. Je précise d'ailleurs de votre livre qu'il m'apparaît "au demeurant fort honorable" ! Mais cette convergence thématique demeure symptomatique et c'est cela qui, au départ, m'a alertée.

Vous étiez peut-être "déjà", il y a six ans "extrêmement critique" vis-à-vis de l'édition Gallimard, mais croyez-moi cela n'était pas toujours dans votre texte d'une absolue limpidité. En témoigne ceci (qui est cité dans mon livre, p. 592) : "L'œuvre derrière l'œuvre, le labeur extraordinaire de Paule Thévenin sont littéralement remarquables. Il reste qu'on peut, qu'on doit discuter la méthode adoptée." Vous ne disiez rien non plus de votre désaccord, sur ce point, avec Derrida.

Votre texte multiplie les nuances. D'une manière que l'on pourrait dire très blanchotienne. Cela relève certes d'une qualité d'analyse. Mais la multiplication de ces nuances dilue et brouille le fond de vos critiques. Cela pèse sur l'appréciation globale que l'on peut avoir de votre conception de la transcription des inédits. On a tellement l'impression, à vous lire, que cette transcription est impossible, strictement impossible, qu'on en vient à se dire que vous vous résignez finalement à la relativisation du "plus ou moins mauvais"(comme vous dites).

Pour ce qui est de la "presse mondaine" qui ferait le fond de mes lectures, vous êtes bien amusant. Je vous conseille de vous attaquer à la lecture des bibliographies qui concluent mes différents ouvrages. Qu'il s'agisse de Sur l'électrochoc, le cas Antonin Artaud, de la biographie d'Artaud publiée en 2006 chez Fayard, etc. Vous risquez quelque surprise.

Pour ce qui est maintenant d'Artaud, que vous me reprochez de ne pas lire, cette simple information : de janvier 2003 à juillet 2006, j'ai fréquenté assidûment et régulièrement les cahiers manuscrits d'Artaud à la Bibliothèque nationale, consultant et étudiant quelque 230 cahiers manuscrits d'Artaud.

Mais sans doute faites-vous allusion à la bibliographie "médiatico-mondaine" de ce dernier ouvrage, L'Affaire Artaud, dans lequel votre livre de 2003 figure à sa juste place ? Un intellectuel appartient à son temps ; les journaux jouent un rôle fondamental dans le mode de propagation et de transformation des idées. Les décrypter et les analyser fait partie intégrante de la vie intellectuelle.

La non-citation par vous de ma lettre au Monde ? Non je n'étais pas "vexée" (qui donc est "vexé" ?), ni même étonnée. J'avais très bien compris que personne ne vous avait parlé de cette lettre, qui relevait à l'époque du "secret défense" (sic). Personne ne souhaitait la voir réapparaître. - C'est le silence des autres (ils sont nombreux) qui est visé par mon livre et pas du tout "Vous" !

"Thésard" est-ce forcément péjoratif ? N'était-ce pas votre thèse ? - C'est assez "light". Je ne pense pas que cela puisse s'apparenter à une injure ou une diffamation. - Quant à mon "influence" ! Je l'ai toujours dit : je ne suis pas une "femme d'influence". Vous me confortez dans ce sentiment rassurant.

Pour ce qui concerne la transcription des Cahiers, le pire, voyez-vous, c'est que la position que vous défendez AUJOURD'HUI (position qui n'existait que très brouillée dans votre texte de 2003) et ma propre position se recoupent très largement ! - De quoi enterrer la hache de guerre de cette bataille pichrocoline ? Et d'entamer un vrai débat de fond.

ARTAUD. "POSSESSION" ET TRANSCRIPTION.
Une divergence de FOND.


La possession : beau thème que vous traitez avec brio. Mais il y a bel et bien entre vous (votre livre de 2003) et moi une divergence théorique fondamentale (et de taille) qui explique la lecture que je fais de votre ouvrage. Je pense l'avoir lu et avoir saisi le fond de cette redoutable question de la possession. J'ai lu vos conclusions, qui débouchent tout de même sur une reconnaissance obligée de l'empathie de toute lecture. Vous-même vous admettez "possédé". Et je ne pense pas qu'il s'agisse d'une simple boutade. Il n'y aurait d'ailleurs là aucun problème si l'on en restait à la seule "lecture". Mais qu'en est-il lorsque l'on considère la question de la "transcription" ou de l'établissement éditorial d'un texte ?

Dans votre chapitre concernant Artaud, il y a pour moi confusion entre "lecture" et "travail de transcription". Et là on n'en sort pas. Surtout si cette lecture est envoûtée, possédée. C'est ce qui me semble, chez vous et en arrière-plan, justifier DE FAIT tout le travail de Paule Thévenin ("travail remarquable") et donc (d'une certaine manière) sa transcription. Êtes-vous conscient de cela ? S'agit-il de votre part d'une "intention" ? Je ne crois pas. D'autant que derrière tout cela se profilent les théories de Derrida, de Blanchot, tout ce que j'explique par ailleurs dans mon dernier livre.

Aucune "transcription" ne peut, de mon point de vue, s'effectuer dans le sillage d'une "lecture" empathique et de possession. - On en viendrait presque à défendre ce point de vue que vous appelez "scientifique" des chercheurs en manuscrits. Ceux-ci, au moment initial de leur parcours en tout cas, se doivent de fonctionner comme de simples "machines" et instruments d'enregistrement.

Il y a un passage qui, dans votre livre, m'a beaucoup gêné : "Si Artaud a effectivement donné sur papier timbré la responsabilité de la constitution des textes à Paule Thévenin, ce qui est loin d'être certain, il ne s'est pas trompé. Il a très exactement décidé de son échec par la littérature, prolongeant ses désirs d'une impossible lecture-témoignage et l'accord de principe qu'il avait donné à la constitution de ses Œuvres complètes." Je sais bien qu'il y a le "si". Mais ce que votre livre développe ensuite, ce sont les implications d'une "lecture" de "possédés", dont on se sort pas.

Artaud, selon vous, aurait lui-même (et par avance) orchestré son échec ou son suicide littéraire et les avatars de cette transcription ou trahison posthume. C'est un point sur lequel je ne peux en aucune manière vous suivre. D'abord, parce qu'il n'y a pour moi, dans l'écriture d'Artaud, ni suicide, ni échec. Et pas du tout de "volonté" de suicide dans l'écriture. De longs développements seraient ici nécessaires.

Ce passage de votre livre est, à mon avis, extrêmement ambigu et pourrait ouvrir la porte, en ce qui concerne la transcription des cahiers, aux justifications les plus fantaisistes. C'est cet argument qui explique l'essentiel des quelques pages que je consacre à votre livre.

L'Antidote à tout cela (et je vais lourdement insister), réside dans la "matérialité", la "littéralité" des 406 Cahiers d'Artaud. Des signes, des dessins, des lettres, des mots y figurent, en un certain ordre (ou désordre) agencés. Ce contenu-là du support manuscrit n'est pas "vivant", ne change pas au gré de l'humeur des lecteurs qui parcourent les allées de la Bibliothèque nationale. On serait sinon en plein Borges.

L'idée même d'un corpus de manuscrits "vivant", mouvant, et qui parle, ouvrirait la porte à dix-mille Paule Thévenin, chacune retranscrivant sa lecture de possédée du moment. - Il faut absolument sortir de cette nasse et ce piège de la lecture-possession.

Je comprends bien qu'à un certain niveau, vous cherchiez à me voir rejoindre le clan des "possédés d'Artaud", attachés (très paradoxalement, puisqu'ils la nient précisément) à la "Vérité Absolue d'Artaud". - Je ne crois à la Vérité Absolue d'aucun auteur. Je souhaiterais simplement, et pour ce qui concerne l'approche des manuscrits, un peu de bon sens et le respect (élémentaire) de la "matérialité" de ce support.

Cela n'empêche pas l'œuvre d'Artaud d'être vivante, mais à un autre niveau. Sur un autre plan. Il nous faut redescendre de Coucou-les-nuages, revenir à la "terre" des manuscrits, seuls fondements de l'établissement d'un texte et seuls garants de toutes les "lectures" et les pensées qui viendront - ensuite - s'y développer en étoiles.

F.M.

lundi 31 août 2009

THE ARTAUD AFFAIR, ethnographic journal (Fayard, March 2009)

L’Affaire Artaud brings together an accursed poet (Antonin Artaud), his manuscripts and drawings, a High Priestess (Paule Thévenin), a famed publishing house (Gallimard), a family (the Artaud-Malaussena), a bevy of medicine men (Gaston Ferdière, Jacques Lacan, etc.), famous writers (Jean Paulhan, François Mauriac, André Malraux, Jacques Derrida, Philippe Sollers, etc.), State institutions (Bibliothèque nationale de France, the Pompidou Centre, etc.), and lawyers who have become influential political figures (such as Roland Dumas).

As a mirror of French intellectual life in the period 1948-2008, L’Affaire Artaud is also a chronicle of the media and the press (Combat, Le Monde, Libération, Le Nouvel Observateur, La Quinzaine littéraire, etc.), which have capitalized on the diabolical posthumous career of the poet, who died at Ivry in 1948.

The story runs to clans, tribes, gurus, relics, wizards and illusionists. -Florence de Mèredieu got involved in the Affair 25 years ago and has seen and taken part in its turnings. Her Journal ethnographique relates events, collates documents and describes - in the background - what the standards and practices of its different protagonists are.

Florence de Mèredieu, writer and university lecturer, has written fiction and many books on modern and contemporary art, including Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne, Larousse, 1994-2008, studies of Duchamp, Masson and Picasso, pop art, the Japanese avant-gardes, etc. In 1994-95 she sent to Le Monde and Libération two open letters (never printed) concerning the Artaud Affair. She has written seven works about the poet, including Antonin Artaud, Portraits et Gris-gris, (Blusson, 1984 and 2008), a biography : C’était Antonin Artaud (Fayard, 2006) and L'Affaire, Artaud, Journal ethnographique, Fayard, 2009.

Open letter The Artaud Affair Le Monde — 1/6

TABLE FOR RESUSCITATING DROWNED PERSONS.
‘mobile table, with in its middle a tin-plated copper reservoir large enough to lie a body in, and enabling, in a short space of time, continuous heating of all the posterior part of the drowned person’ (Felix Archimède Pouchet, 1840)

THE ARTAUD AFFAIR-LE MONDE
Plea for resuscitating the drowned
Open letter (as form demands) to Jean-Louis Jeannelle* and Le Monde des livres. *Writer of the article “L’Affaire Artaud : journal ethnographique de Florence de Mèredieu : Artaud et les jésuites” (11 June 09)

First of all, let us salute the courage of Jean-Louis Jeannelle. And of Le Monde in the wings. To dare, simply dare, write an article, or the semblance of one, about L’Affaire Artaud is by no means an easy matter. As the silence of almost all the press shows. So let us acknowledge the initiative itself.
And since L’Affaire Artaud concerns the press and the media at large, I would like to give this letter a ‘generic’ aspect.

AN ‘IMPOSSIBLE’ CRITICISM ?

‘By dissecting each analysis the papers have (or haven’t) printed concerning her previous publications, Florence de Mèredieu has made criticism of her new book, L’Affaire Artaud, a delicate matter. Articles written by journalists in "Le Monde des livres" are sifted over in it. Having no wish to be suspected of collusion or of wanting to censure, all that remains is to refuse to take sides - an unsatisfactory position in the eyes of the author who sees in it a form of “jesuitism”’...
(Jean-Louis Jeannelle, Le Monde, 11 June 09)

‘Artaud et les jésuites’ - The title amused me. For someone like me, with a reputation for having a big mouth and lacking diplomatic tact, it is delightful to be called a ‘Jesuit’. All the more so for a book that strikes out at them and doesn’t hide truths that no one wants to hear. A book that appears to frighten and upset quite a few ! All right then : let people salute in me a ‘jesuitism inside out’, a certain sense of ‘diplomacy in reverse’. It is true that in my book I charge Le Monde with ‘a certain jesuitism’ for the way it has handled the Artaud Affair...

Rather than deal with the Affair and the content of the Affair, the article concentrates (but in a very elleiptic manner) on the treatment of the affair by Le Monde des livres. The paper has been very much involved in the Affair, and it may be said that at one stage it was pleased enough ‘to make the play’.

Certain criticisms expressed in my latest book do concern articles published not long ago by Le Monde or the absence of articles concerning certain works.

It is easy to see then that L’Affaire Artaud, journal ethnographique (Fayard, March 2009) could only be taken up by Le Monde with long-handled pincers. And looked at askance.
But enough of my own ego. That is just one aspect of the incriminated book, which names many other papers (Combat, Libération, Le Nouvel Observateur, Le Figaro, Art Press, Télérama, etc.), institutions (Gallimard, the Bibliothèque nationale de France, the Pompidou Centre, etc.), some toothsome personalities (Paule Thévenin, Roland Dumas, Philippe Sollers, Jacques Derrida, etc.). And any number of events.
What then is the purpose of this article (‘Artaud et les jésuites’) which consists for the most part in proclaiming that nothing will be said of the book it names, for fear of what its author might say or think ?

J.L. Jeannelle is content to set forth facts that are already well known while passing over in silence the mass of new documents, information and facts, many of which have never before been published. All of that might have given rise to a lot of discussions.
- ‘Artaud still in debate’, wrote Josyane Savigneau in 1995. - Reading again this last short article, we see that Le Monde has one single idea in mind : close discussion as soon as possible. In other words : ‘Move along ; there’s nothing to see. On your way and ABOVE ALL : forget the Artaud Affair.

Does Le Monde stand to lose something ? Has it something to hide ? Or mask ? - Le Monde and, of course, those who in the background pull the strings of the story. - There are too many people that matter involved in the Artaud affair.

What is it that Le Monde is frightened of, to refuse so explicitly to ‘take sides’ for fear of being accused of ‘jesuitism’ again or - far more serious (and here it is me who is putting something forward) - of wanting to hide the truth and ensure that the reader does not rush off to get that book : L’Affaire Artaud ? I am not a very powerful enemy and it makes me laugh to think that the article could be summed up by saying : ‘Who’s afraid of FdeM ?’ - No one, right ? Well ? I would like someone to fill me in.