lundi 15 novembre 2010

"LA CHAMBRE DES CRIS". WORK IN PROGRESS. AVEC ALEXANDRA DEMENTIEVA.


"Pour dépeindre le cri que j'ai rêvé, pour le dépeindre avec les paroles vives, avec les mots appropriés, et pour bouche à bouche et souffle à souffle, le faire passer non dans l'oreille, mais dans la poitrine du spectateur." (Antonin Artaud, Le Théâtre de Séraphin)

Au début de l'année 2009, Alexandra Dementieva (artiste multimédia réalisatrice d'installations interactives) me fait part d'un souhait. Travailler ensemble à une installation interactive qui serait basée sur Antonin Artaud.

Ma première réaction fut négative et très viscérale. L'œuvre d'Artaud se base sur une fondamentale méfiance vis-à-vis des techniques, des instruments et de tout ce qui lui apparaît comme des "organes" ou des intermédiaires. Je connais par ailleurs les critiques qu'il adresse au cinéma et à l'ensemble du monde "virtuel" des images. Artaud travaille dans la chair. Et dans l'os. In vivo.

Après mûres réflexions, il me semble toutefois qu'il y a là un challenge à relever. Et une confrontation diablement intéressante à tenter entre le Mômo et les nouvelles technologies.

D'où un démarrage au quart de tours et l'élaboration de trois scénarios, qui se sont bientôt complétés d'un quatrième projet. Quatre projets d'installations que j'ai donc présentés à Alexandra.

Nous en avons longuement discuté et les avons ajusté au cours d'un travail commun. La question technique s'est bien évidemment de suite révélée redoutable. Car l'on ne peut pas faire n'importe quoi dans le cadre et l'atmosphère de l'œuvre du Mômo. Il faut bien sûr éviter tout ce qui (de près ou de loin) peut ressembler à une "ficelle" ou un processus d'illusion.

Soyons clairs : il ne s'agit pas d'interpréter ou d'adapter un fragment de l'œuvre d'Artaud. Pas une ligne, pas un texte, pas un dessin, aucune photographie ou fragment sonore d'Artaud ne seront empruntés. Celui-ci sera utilisé à la façon d'une fondamentale référence. Et comme un climat. Une "atmosphère".

Depuis nous travaillons à la co-réalisation de cet ensemble qui pourrait aboutir (les quatre installations étant alors regroupées) à une forme de spectacle théâtral en quatre actes.

Nous avons commencé la mise en œuvre du premier projet : LA CHAMBRE DES CRIS. En voici un bref descriptif.

"Ce projet s'inscrit dans le sillage et le prolongement de l'œuvre d'Antonin Artaud. Et, plus précisément de ce "théâtre de la cruauté" qui vise à recréer et refondre l'homme et son anatomie.

L'œuvre d'Artaud est une machinerie complexe : musicale, gestuelle, textuelle et imagée. Le corps y déploie l'arsenal entier de ses souffles, cris, paroles, mouvements et onomatopées.

À la "virtualité" des images Artaud préférait le corps de chair et d'os de l'acteur vivant. C'est, en conséquence, à une autre dimension des "machines" et des nouvelles technologies que nous faisons ici appel. À cette dimension de participation et de lien (physique, concret) qui jouent à plein dans le théâtre d'Artaud. À une forme d'interactivité et de participation basée sur la mise en jeu du corps du spectateur. Corps concret, physique, et qui ne demande qu'à crier, souffler, hululer.

Nous voulons inviter le public à crier, hurler, être et exister. En esquissant et réinventant les signes et les souffles du corps. Des interfaces relieront le public au monde des sons, des cris, des lumières. - Ce seront alors d'autres cris, d'autres lumières, d'autres sons et d'étranges cris qui surgiront.

Nous inspirant d'Artaud, de ses théories sur le souffle, le cri, la lumière et l'utilisation sonore de l'espace, nous proposerons une déambulation sonore, rituelle et lumineuse. Chambres cruelles. Stations où l'oralité du "théâtre de la cruauté" se manifestera de manière exacerbée."

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