lundi 14 février 2011

LE DESSIN D'ENFANT.

« Il se produit encore des commencements primitifs dans l'art, tels qu'on en trouverait plutôt dans les collections ethnographiques ou simplement dans la chambre d'enfants. » (Paul Klee)

« Si j'avais su que c'était si bête, j'aurais amené les enfants... » (Réflexion d'un spectateur, lors de la représentation de Parade par Les Ballets Russes en 1917)

Les relations entre les avant-gardes contemporaines et le dessin d'enfant ont permis une lecture renouvelée d'un mode d'expression graphique que l'on tend cependant encore aujourd'hui à considérer comme mineur : toutes ces expressions enfantines, si riches et complexes. Drôles et sérieuses. Parfois académiques mais le plus souvent enclines aux chemins de traverse...

La création enfantine est prise en étau entre deux attitudes contradictoires :
- l'intérêt désormais porté à l'enfance, indéniable, mais qui conduit souvent à une surprotection ou une mise en épingle de la moindre des productions de nos bambins.
- le sentiment qu'il s'agit non d'une forme d'expression artistique, mais de simples linéaments.

La langue plastique enfantine reste donc encore à découvrir. Et à défendre.

——————————

LE DESSIN D'ENFANT (Éditions Blusson)

TABLE DES MATIÈRES

1. Découverte d'un univers

Historique - Découverte de l'originalité de l'univers enfantin - Évolution des techniques graphiques et plastiques - Mutation de l'art - Le plaisir du geste - Le plaisir de l'inscription - Dessin d'enfant et écriture

2. La conquête d'une langue

Le langage graphique - Dessin et évolution - Les grandes phases de l'évolution - Du geste à la trace : le gribouillis - La figure du bonhomme - De la trace au signe

3. La construction d'un espace

De l'espace comme chose en soi à l'espace comme convention - Espace vécu, espace graphique - Caractéristiques de l'espace enfantin - L'espace topologique - Un exemple de relation topologique : la maison - Évolution de l'espace : les principaux stades

4. Dessin, psychologie et psychanalyse

Le dessin comme expression de la personnalité - Le dessin comme instrument d'un diagnostic - L'apport de la psychologie projective et la méthode des tests - Utilisation du dessin dans la cure psychanalytique - Dessin et rêve - Dessin, écriture et refoulement des pulsions - L'articulation gribouillage/écriture - Musique et création - Extension du vocabulaire - Situation de l'imaginaire

5. L'utilisation d'un code

Une étude comparative - Limites d'une approche sociologique -L'enfant et le primitif - Conditionnement de l'enfant par le milieu : rôle de l'école - « Décoloniser » l'enfant ? - Influence des mass media - L'actualité - L'enfant, témoin de son époque

Appendice : Paul Klee, le dessin d'enfant et les origines de l'écriture

Bibliographie
Index

Lien Le Dessin d'Enfant

PETER GNASS - PERSPECTIVES. PROJECTIONS.

Progression positive/négative 5 (1978)
© Peter Gnass / Photographie FDM

Artiste né en Allemagne, Peter Gnass partage désormais son temps entre le Sud de la France et le Canada.

Plasticien, il a toujours travaillé aux confins de la sculpture et de l'architecture, en élaborant des installations qui privilégient la notion de « point de vue ». Peter Gnass part du postulat selon lequel le réel (et l'œuvre qui l'exprime) bouge et se transforme au fur et à mesure des déplacements du spectateur.

D'une même réalité, du même objet, d'un seul paysage, il existe une multiplicité de vues que l'artiste peut reprendre et coucher sur le papier. C'est à l'œil alors, et à l'imagination, de refaire le parcours qui fut à l'origine de l 'œuvre. - Le monde est en mouvement et nous avec.

La photographie - une photographie repeinte, redessinée et retravaillée -, lui permet aujourd'hui de prolonger cette aventure perspectiviste. Chaque image représente ainsi la synthèse de divers moments, de divers instants singuliers.

Progression positive/négative 5, sculpture de 1978, joue quant à elle sur le plein/le vide, le positif et le négatif, les gris, les blancs, les valeurs sombres/les valeurs claires. - Il s'est agi d'équarir des blocs, de vider, creuser, ôter, numéroter et nommer. De signer enfin le tout.

En se disant qu'à tout instant, l'opération peut être réversible : la pierre peut regagner le creux dont elle vient ; le bloc peut se suturer, le sol s'aplanir.

Lien Peter Gnass Wikipedia

mardi 8 février 2011

REVENANTS - MUSÉE DU LOUVRE.

"La Mort Saint Innocent", vers 1530. Musée du Louvre.
Février 2011. Photographie ©FDM

Au Musée du Louvre, une jolie petite exposition sur les «Revenants, Images, figures et récits du retour des morts». Bien sûr on reste un peu sur sa faim. On aurait souhaité plus sur ce thème si riche. Mais cette exposition est une bonne mise en bouche. D'autant qu'elle se prolonge par tout un cycle de projections (utilisons le terme « ancien » et adéquat) cinématographiques.

Les spectres, fantômes, squelettes de la danse des morts du Moyen-Âge, les rêveries des romantiques, les ectoplasmes de la photographie spirite (si prolifiques à la fin du XIXe siècle), tout cela a nourri un abondant imaginaire collectif.

Les spectres et la mort pouvaient revêtir une dimension «canaille». En témoignent les projections de lanterne magique. Squelettes ailés, diablotins et figurines hautes en couleur déploient leurs facéties sur les plaques utilisées pour les projections lumineuses : celles-ci proviennent du Musée Gassendi de Digne. Une tirette permet de les animer. La lanterne magique constitue à ce titre un des ancêtres de la cinématographie.

Je me suis amusée ensuite à traquer dans les allées du Musée les ombres, reflets et revenants multiples que la lumière (cette merveilleuse lumière qui éclaire les salles de façon latérale) disposait tout au long de la promenade.

Les squelettes aussi ont attiré mon attention (La Mort Saint Innocent). Toutes ces représentations de la mort qui pullulent au Moyen-Âge pour devenir ensuite plus sourdes et souterraines. Plus lyriques aussi. Avant de connaître dans la photographie et le cinéma (qui en découle) un regain d'activité. Dreyer et ses vampires ne sont pas loin. Et côtoient les fantômes et ectoplasmes de l'expressionnisme allemand.

Tout au long de ce cheminement dans les coursives du Louvre, je n'oublie pas non plus la sourde complainte d'un Belphégor. Lequel peut surgir en n'importe quel point du parcours.

Allons : je vous souhaite bonne promenade ... et quelques frissons.

Exposition "Revenants" au Musée du Louvre

samedi 5 février 2011

ÉLOGE DE LA POUSSIÈRE.

Jérôme Bosch, Le Jardin des délices (détail).

« ... en sa qualité de grain de poussière observant d'autres grains de poussière - laissant de côté l'infini - on découvre que chaque grain de poussière est un Millet. » (Van Gogh, Lettre à Théo, 2 novembre 1883).

Observant le paysage - plat, immense - de la Drenthe, cette région désolée du Nord-est des Pays-Bas, Van Gogh cède au vertige de la contemplation. Son œil découvre une immensité, peuplée de choses minuscules. D'êtres et d'objets comparables à des grains de poussière.

On se souviendra que Pascal, semblablement, s'émerveillait de cette distance qui transformait en fourmis les maisons, les arbres, les humains.

Puissance de l'infiniment petit. Fascination de la poussière. - Chaque grain « est un Millet », un « Léonard de Vinci », un « Duchamp », un « Jérôme Bosch ». L'infiniment grand est au cœur de l'infiniment petit. L'infiniment petit en plein centre de l'infiniment grand.

Et cette remarque, si jolie : l'homme même est une poussière obervant d'autres poussières... Nieztsche déjà, dans Le livre du philosophe, s'exprimait de même en dépeignant l'homme et le philosophe, minuscules moucherons en plein cœur de la Voie lactée.

jeudi 3 février 2011

BLEU, ROUGE, JAUNE : VAN GOGH ET L'ARCHITECTURE.

Maison Égyptienne. Histoire de l'Habitation humaine.
Exposition Universelle, 1889, Charles Garnier, architecte.
(Le Moniteur des Architectes, Année 1889.)

« ... la couleur de la maison égyptienne primitive. - Cela doit être fort simple, un bloc carré je crois sur une terrasse - mais je voudrais savoir la coloration aussi. - Dans un article je lisais que c'était bleu, rouge et jaune. » (Vincent Van Gogh, Lettre à Émile Bernard, 1889)

Du midi où il séjourne en 1889, Van Gogh s'enquiert auprès d'Émile Bernard de cette Exposition universelle qui déroule alors ses fastes à Paris. L'architecte Charles Garnier (celui-là même qui réalisa l'Opéra qui porte son nom), construisit alors - du Champ de mars au Trocadéro - une longue rue reproduisant l'habitat humain de la préhistoire aux temps modernes. Les maisons, antiques ou exotiques, s'y succédaient.

Van Gogh apprécie grandement la civilisation des Égyptiens, ces « agriculteurs adorateurs du soleil ». - Maison au toit de chaume, anciennes habitations mexicaines, maison égyptienne : les préférences architecturales de Van Gogh vont à l'habitat primitif. Rudimentaire.

Un carré. Des lignes géométriques. Du bleu, du rouge, du jaune. - On ne peut certes évoquer les toiles, les architectures ou les environnements de Mondrian, De Stijl, le constructivisme, Le Corbusier ou Van Rietveld... Mais tout de même ! Cette remarque est étonnante de modernité.

« Comme j'aurais voulu voir à l'exposition, ajoute-t-il, une maison égyptienne construite par Jules Garnier l'architecte - peinte en rouge, jaune et bleu avec un jardin divisé régulièrement en parterres par des rangées de briques - l'habitation des êtres que nous ne connaissons qu'à l'état de momies ou en granit. » (Lettre à Théo, juin 1889)

On se souviendra de l'intérêt que Van Gogh manifeste à l'égard de Giotto, chez lequel déjà on trouve des architectures cubiques, sinon "cubistes". Et colorées de ces mêmes couleurs primaires.

En octobre 1889, à Saint-Rémy-de-Provence, Van Gogh peint ses toiles les plus cézaniennes, les plus architecturées. Dans des tons de bleus et des verts qui, eux aussi, évoquent Cézanne. Avec des avalanches de roches, des gradins de pierre et des espaliers qu'il juge terriblement « japonais ».

Nota bene : cette notule est dédiée à nos amis égyptiens et à l'espoir de liberté qui s'est levé pour eux en ce début d'année 2011.