vendredi 9 décembre 2011

FRANÇOIS JEUNE. COULEURS. COULURES. COULÉES.

Grenats et Turquoises
Acrylique et encre sur Intissé, 2011.
©François Jeune

* Intissé : support papier constitué de fibres textiles compressées.

Il est encore des artistes pour s’engager sur les chemins de la peinture, de l’abstraction, de la couleur.

Horizontalité et Verticalité. Haut et bas de la toile, circonscrivant l’espace du geste et la nature de ces coulées de matière picturale qu’il s’agit d’accompagner, de provoquer ou de contraindre.

Dans l’histoire de la peinture, l’aventure de la coulée de matière accompagnant le geste de l’artiste s’est vue renouvelée à diverses époques.

Les projections de sable d’André Masson sur une toile préalablement « graffitée » de colle font entrer la « projection » dans le vocabulaire pictural. Cette technique atteindra son paroxysme chez Jackson Pollock.

Redressant cette toile que Masson et Pollock traitaient au sol, Morris Louis joua systématiquement, à la fin des années 1950, sur le principe de la « coulure » : cette matière en voie d’épanchement et qui obéit strictement aux lois de la gravité. Cette matière, l’artiste américain l’accompagne, la perturbe, mais sans la canaliser totalement.

Travaillant sur de grands formats (ici respectivement : 330 x 330 cm et 365 x 300 cm : voir les images), soucieux de se développer dans toutes les dimensions et de conserver au tableau une profondeur, François Jeune préfère au terme de coulure celui de « coulée ».

Le terme de coulure est plus sec, plus technique. – Coulée : ce terme, qui se décline en français au féminin, est plus souple, plus sensuel. Déclinée à l’horizontale, mais aussi à la verticale, la coulée s’oriente vers le sinueux, le labyrinthique.

Surtout elle se dirige - et nous dirige - vers le large, le massif, l’océanique. La coulée s’élargit, se dilate, se rapproche de la masse liquide.

Les eaux sont colorées. Réunies, partagées, réticulées, elles forment des sillons, des méandres, se répandent, se divisent, se répartissent en zones : précises, floues, diversement délinéées.

Et – parfois – tombent en CASCADES.

À LA VERTICALE.

Texte de François Jeune :

DEFERLANTE,
Mouvement dans la couleur.

Déferlante, la couleur par imprégnation des toiles Unfurled de Morris Louis en 1960.
Déferlante, la couleur se libérant de la reproduction dans l'art du vingtième siècle.
Déferlante, la couleur de ses encres dont Marc Devade disait en 1980 : Geste de la couleur.

La transparence n'est pas l'apanage des glacis des couleurs de la peinture à l'huile.
La fluidité aquatique de la couleur est favorisée par l'invention de la peinture acrylique.
L'écoulement est le mode de cette nouvelle techné de la couleur.

Regardons en détail, pour comprendre ce mouvement interne de la couleur, le tournant du color Field chez Helen Frankenthaler, Morris Louis, et Sam Francis.
Revenons aussi sur les prémisses de cette houle colorée chez Turner, Monet ou Cézanne.
Repérons de nos jours le déplacement des flux lumineux de Turrell, les glissements des volumes colorés de Kapoor ou la fonte des matières pigmentées de Goldsworthy.

À une couleur objet mis en mouvement, se substitue un évènement sujet de la peinture.
À la couleur forme ou qualité d'une surface s'ajoute une couleur force membrane colorée.
À quelle physique mais aussi à quelle pensée correspond cette couleur déferlante ?

(François Jeune, Mars 2008)

Boucle du Temps
Acrylique et encre sur Intissé, 2009.
©François Jeune

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