mercredi 22 février 2012

AI WEIWEI, BLOGUEUR ET DISSIDENT.

Artiste polyvalent, personnage engagé dans les luttes de son temps, Ai Weiwei a défrayé toutes les chroniques. Le monde des réseaux, la prolifération des images, l'instantanéité de la transmission de l'information sont pour lui des armes qu'il brandit à la face des autorités de son pays.

Entre 1983 et 1993, le jeune homme séjourne à New York où il fréquente l'East Village. Il découvre le monde de l'art et la singulière faune artistique new-yorkaise. Il se passionne pour Marcel Duchamp, comprend que l'art est affaire de liberté, d'indépendance d'esprit, de communication aussi... Il prend alors des milliers de clichés photographiques.

Rentré en Chine, il touche à tout : design, architecture, sculpture, etc. Il joue aussi un rôle essentiel de fédérateur au sein des artistes chinois. Rôle d'autant plus important que tout est alors à faire. C'est le moment, au tout début des années 2000, où l'on assiste à l'émergence d'une scène artistique chinoise, d'abord très marquée par une esthétique pop et qui va découvrir la vidéo, la performance et les nouveaux moyens de communication comme le net. Les artistes chinois s'imposent rapidement sur le plan international. Ai Weiwei est alors de ceux qui participent pleinement à l'aventure de l'art chinois contemporain.

C'est son travail documentaire et engagé de photographe, de vidéaste et de blogueur que présente aujourd'hui le Jeu de Paume. La puissance et la banalité des images contemporaines sont utilisées par lui à haute dose. Son travail est à l'échelle du continent chinois : il est constitué de dizaines de milliers d'images (souvent prises avec son téléphone portable) qu'il répercute en permanence sur ces réseaux sociaux dont il démontre le double pouvoir d'affirmation et de dérision.

C'est là une façon pour la réalité de ne pas disparaître trop vite, les livres, les expositions servant ensuite de relais. Parmi toutes les images de son blog, il y a strictement de tout : des raviolis chinois, les facéties de son chat, des plantes, des portraits, des milliers de portraits, les lieux traversés, mais aussi des terrains vagues, encore encombrés des débris et de la poussière des hutongs, ces anciens quartiers traditionnels que le pouvoir chinois détruit peu à peu. Ou bien encore les photos de manifestants portant des banderoles.

Ces milliers de photographies furent saisies par la police au moment de l'arrestation d'Ai Weiwei en avril 2011. On imagine l'absurdité de la situation à laquelle furent confrontés les zélés fonctionnaires qui eurent à faire le tri entre les raviolis chinois, les paysages, les plantes, les photos du chat et ces photos de terrains vagues, parlantes - d'abord et avant tout - par ce qu'elles ne montrent plus...

Ces hutongs, je les avais photographiés durant mes séjours en Chine au début des années 2000. Comprenant bien qu'ils allaient disparaître. Les voyant déjà réduits (comme autour de la Cité Interdite) en quartiers fantômes.

Interdit de sortie du territoire chinois, absent donc de son exposition, Ai Weiwei nous embarque dans le train fantôme et l'entrelacs de ses images. Actuelles, taillées en pleine réalité : ce sont les images du monde où nous vivons.

AI WEIWEI : ENTRELACS.
Musée du Jeu de Paume. 21 fév-29 avril 2012.

4 commentaires:

tender to traube a dit…

Les hutongs près de la grande place, seront changés en quartier chic, comme ce lac, dont j'ai oublié le nom, en 2007, il y avait autour des restaurants populaires, des bars branchés et à l'époque une ou deux villas enfermées dans des murs d'enceinte.

fdemeredieu a dit…

Oui, j'ai bien vu, dès 2005, le processus se mettre en marche. Tout était parti pour que ce soit "nickel" et fait pour le tourisme.

Cette transformation s'est accompagnée d'un transfert de population du centre vers la périphérie de Pékin. Avec toute la destruction du lien social qui va avec.

Ces quartiers étaient, de surcroît, visuellement d'une grande beauté plastique.

versus a dit…

Bel exemple de ce que sera dorénavant une des expressions de l' art? Mais n' est-ce pas là encore parmi les derniers(?)travaux sur la trace?
Merci encore de votre envoi des "tatanes"..sur lesquelles je vais publier un prochain message.
A bientôt.

fdemeredieu a dit…

"La trace" : Oui.

Chez Ai Weiwei, la question présente deux aspects.

Cette boulimie de "prises de vues" ou "de réalités", cette hantise de leur diffusion et réception sur le grand réseau de la "toile", correspondent sans doute à une hantise de la disparition de ce qui a nom réel, vie. Mais Ai Weiwei est sans doute trop lucide pour ne pas savoir quel est le destin (et la dilution progressive)des "traces"…

Le deuxième aspect, instantané, contemporain de l'acte du blogueur (prise et répercussion), s'exerce dans son cas face au pouvoir politique. Résister, c'est alors exister, faire acte de présence par l'image…
Ceci, bien sûr, est lié au contexte particulier dans lequel s'exprime Ai Weiwei…

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