lundi 22 avril 2013

KEITH HARING AU CŒUR DE LA CITÉ : THE POLITICAL LINE.


Sur tous les supports - murs, toiles, papiers, journaux, acier, bois, vinyl, terre cuite, objets industriels, paysage urbain, etc. -, se déploie la ligne errante et drôlatique de l’américain Keith Haring (1958-1990).

Ses thèmes de prédilection (la culture de masse, le sexe, la bande dessinée, l’univers des arts de la rue, des medias, et du monde publicitaire) s’inscrivent en plein cœur de l’actualité politique américaine des années 1980. Les « années Reagan » attisent la verve et la causticité du jeune new-yorkais.

Ses « Subway drawings », alors exécutés dans le métro, s’inscrivent dans ce courant qui privilégie une expression de masse et une forme d’art pour le (plus) grand nombre. L’exceptionnelle qualité de son dessin, l’ingéniosité et le foisonnement de ses figures hiéroglyphiques s’emparent désormais du monde urbain.

L’œuvre de Keith Haring est énorme et prolifique. Fabuleusement gaie. Colorée. Inventive. — Sa démarche est proche de celle des graffeurs et graffiteurs qui ont pullulé à New-York et dans les grandes métropoles du monde entier.

On peut certes évoquer à son propos Andy Warhol et Jean-Michel Basquiat. Mais nombre de ses dessins nous renverraient aussi à l’œuvre hiéroglyphique de Paul Klee. — Ecriture et dessin se donnent la main. L’échelle certes a changé. On est passé des petits formats de Klee aux murs de la cité et aux grandes toiles de Keith Haring, des tableautins précieux du peintre suisse aux tee-shirts et aux objets du quotidien.

Le message véhiculé par l’œuvre s’est radicalisé et politisé. Mais l’on retrouverait, chez Klee comme chez Haring, ces mêmes accents, que l’on pourrait qualifier de « métaphysiques », à l’égard de la mort et d’une condition humaine désormais revisitée (chez ce dernier) par le sida, la bombe atomique et l’injustice sociale.

Le Musée d’Art moderne signe là une riche et magistrale exposition.

Offrez vous donc un bain d’images. Pour tous âges et tous publics.

Exposition Keith Haring MaM


Vue d’exposition. MAM 2013. Ph. ©FDM

lundi 8 avril 2013

JOANIE LEMERCIER. DU MAPPING COMME PAYSAGE.

Joanie Lemercier, Eyjafjallajökull. Ph. ©FDM

26 mars 2013. - Le CUBE, Exposition, dans l'Espace Saint-Sauveur d'Issy-les-Moulineaux, de 5 jeunes artistes de la création numérique. Le « Prix CUBE 2013 » est remporté par « Microscopic Opera », la très efficace installation pilotée par Matthijs Munnik (des Pays-Bas). Un ingénieux système de capteurs permet d'observer le ballet que d'invisibles vers tracent dans l'espace.

Une autre œuvre attire mon attention, celle d'un jeune artiste français, Joanie Lemercier. - Eyjafjallajökull est le nom (imprononçable) de ce volcan irlandais qui causa naguère tant de soucis aux contrôleurs aériens. C'est désormais, le titre d'une installation d'une grande « simplicité » et d'une indéniable poésie.

Construit suivant le processus du morphing*, un ample paysage en noir et blanc, se déplie, déploie et transmue dans l'espace de l'exposition. Tout est ici dans le mouvement, la mue et la transformation des lignes, des plans et des facettes de l'image.

Le deuxième opérateur de l'installation, c'est la lumière - blanche, « noire », balayante. Qui coule par plages, faisceaux ou pans entiers, modifiant sans cesse le paysage, le caressant, l'amenant à onduler par vagues...

Assise au cœur du dispositif, j'ai habité un temps cette image très pure, dont la géométrie complexe se refait et défait au gré de l'écoulement du temps. - Eyjafjallajökull : le volcan s'est paré d'un squelette et d'une armure de lignes, de facettes multiples qui s'éclairent et s'éteignent au gré du "vent" de la lumière. Ses formes se déclinent sous les apparences « diamantaires » d'une multitude de lignes, de trames, de cubes et de carrés plus ou moins déformés.

On comprend qu'une des bases du travail de Joanie Lemercier soit la découverte de l'origami, ce délicat pliage de papier japonais. - Le paysage de son installation revêt les apparences d'une peau, glissante mais « filaire », parée d'une multitude d'écailles numériques.

Partout, vous avez : des arêtes, des lignes de force, des contours. Des plis et des replis. La promenade est magique qui vous transporte, de vallon en vallon, en plein cœur d'une peau de synthèse.

* morphing : transformation numérique et graduelle d'une image fluide que l'on anime et « déforme » en conservant un certain nombre de « points » ou de données de base du schéma initial.

Site de Joanie Lemercier

Le CUBE

Joanie Lemercier, Eyjafjallajökull. Ph. ©FDM

lundi 1 avril 2013

EILEEN GRAY. L’ELLIPSE, L’ÉPURE, L’ÉLÉGANCE.

Lampadaire. Circa 1925. Ph. ©FDM, 2013

Lorsque j’ai “visité” l’exposition Eileen Gray qui se tient actuellement au Centre Georges Pompidou (20 février — 20 mai 2013), le show Dali battait son plein. La rumeur et le “très-plein” (ou trop-plein) de monde, de gestes et d’anecdotes faisait un contraste saisissant avec ce monde épuré qui fut celui d’Eileen Gray (1878-1976).

Celle que l’on considère aujourd’hui comme une des très grandes dames du design est en fait beaucoup plus que cela. — Elle aura touché effectivement à tant de domaines : mobilier, décoration, architecture, peinture, collages, photographies, art de vivre… Manifestant toujours une totale indépendance d’esprit.

Allant jusqu’à « rembarrer » son ami Corbu (Le Corbusier) pour avoir – à l’impromptu — orné de 9 fresques les murs de la villa E 1027, au-dessus de Roquebrune-Cap-Martin, rompant ainsi avec le style de totale sobriété qu’elle avait voulu impulser à l’ensemble.

Joyau d’architecture art déco, la villa E 1027 déploie des trésors de sobriété et de simplicité. Les solutions trouvées sont toujours les plus épurées, les plus évidentes, les plus fonctionnelles. Et les plus BELLES. Toute l’organisation du bâtiment se moule ainsi autour des us et des habitus de la vie quotidienne.

Rien de trop, rien de moins, dans ces volumes et ces formes quasi primitives : ellipse et colimaçon de l’escalier ; cercles et rectangles des tapis, des fenêtres ; grilles sobrement ajourées des fenêtres que redoublent une jalousie ou un semblant de pergola, qui tiennent en quelques lignes…

Résumer un objet à son seul squelette, à l’échafaudage d’un nombre limité de traits – cercle ou demi-cercle, ligne simplement courbée et recourbée qu’il esquisse dans l’espace – est un art où elle excelle.

Le contrepoint de cette sobriété se trouve dans la sophistication de matériaux rares (comme la laque dont elle fit un grand usage) ou de matériaux « simples », rarement utilisés dans la « décoration », comme le liège, dont elle fabriqua tables et paravents.

« Décoration » : on comprend bien l’incongruité de ce terme qui ne peut décrire une œuvre aussi légère et parfaite. Ce terme est bien trop lourd. Il sent l’application et le « marketing », là ou Eileen Gray construit des œuvres qui se contentent de « respirer » et « d’être ».

L’ellipse, l’épure et l’élégance : les trois [eee] d’Eileen Gray…

Exposition Centre Georges Pompidou

Table. Circa 1923. Ph. ©FDM, 2013