lundi 26 août 2013

ROY LICHTENSTEIN. HISTOIRE DE L’ART ET CULTURE DE LA POMPE À ESSENCE.

Photographie ©FDM, 2013.

ROY LICHTENSTEIN
au Centre Georges Pompidou
jusqu’au 4 novembre 2013.

"Les toiles de Lichtenstein constituent une encyclopédie, un répertoire des grandes formes de l’art moderne : Cubisme, Futurisme, Purisme, Surréalisme, Expressionnisme et Art Amérindien. Sans parler de constantes références à Picasso, Léger, Matisse, Moore et bien d’autres. […]

Formes et styles se retrouvent bus, fondus comme sur un buvard. Criblés. Tramés. Le secret du peintre pop est d’avoir traité l’histoire de l’art à la façon d’un designer, d’en avoir fait une série de motifs purement décoratifs. Image proprement digérée par la typographie : la modernité se trouve alors réduite à son seul code. Surréalisme et Expressionnisme – pour ne prendre que ces seuls exemples – se voient dédramatisés, vidés de leur potentiel émotionnel initial, réduits à leur chiffre. On aboutit de la sorte à un expressionnisme in-expressif, à un surréalisme parfaitement plat, banalisé. […]

L’usage de la citation, comme le processus de reconnaissance qui s’ensuit, est sans doute un mécanisme spécifiquement publicitaire. Il s’agit de la désignation de ce qui n’est après tout qu’une marchandise. Les toiles de Lichtenstein fonctionnent bien, en ce sens, comme publicité culturelle, hommage rendu à ces produits courants que sont aujourd’hui Picasso, Monet, Matisse et Mickey Mouse. Aussi l’artiste ne choisit-il que des images devenues publiques, claires, conceptualisées. L’art est alors réduit à son seul aspect pelliculaire : image de marque et de fabrique. »

(Extraits de « Roy Lichtenstein, une rhétorique de la figure », texte paru dans Art Press, n° 63, octobre 1982. Repris dans Florence de Mèredieu, « Hôtel des Amériques », essai sur l’art américain, Paris, Blusson, 1996.)

30 ans après la rédaction de cet article, rédigé à la demande de la rédaction d’Art Press (qui connaissait mon intérêt pour l’œuvre d’Andy Warhol – œuvre si différente et sans doute aux antipodes de Lichtenstein en raison de son irrécupérable « romantisme »), je visite cette exposition du Centre Pompidou.

La concentration des œuvres d’un artiste (au sein de ce que l’on nomme des « rétrospectives ») produit un effet d’ensemble qui aboutit – dans le cas présent - à l’overdose de signes. Le blanc cru et l’éclairage brutal, dans lesquels baignent les œuvres, ajoutent à l’impression générale : des œuvres et un art en toc, en plastique, une modernité ravageuse et réductrice : tout ce que Lichtenstein décrivait du terme terrible de « culture de la pompe à essence ».

Lien « Hôtel des Amériques » : consultable dans la librairie de l’exposition.

lundi 19 août 2013

LORNA SIMPSON AU JEU DE PAUME.

Porteuse d’eau (Waterbearer), 1986
© Lorna Simpson.

Une image (« Juste une image ») de cette photographe afro-américaine, née à Brooklyn en 1960, et qui pratique avec élégance tout aussi bien la photographie, la vidéo, que la performance ou l’installation.

Cette image (Waterbearer) est comme un symptôme, une quintessence du monde de l’artiste. — NOIR et BLANC. Jeux d’ellipses. Économie de moyens. Saisie du mouvement. Représentation d’un réel ludique et graphique.

On est dans le constat et l’ethnographique : deux contenants – de matières et de matités distinctes (un flacon de plastique opaque ; un broc de métal à la rotondité presque cézanienne). La pesée, la soupesée de ce qui possède un poids (l’eau), se mesure à l’arabesque de la gestuelle.

De part et d’autre de la masse blanche du vêtement, deux filets d’eau encadrent la scène. Le cou, les bras – tout de noir polis — se distribuent dans un gracieux dénivelé.

LES LETTRES - elles aussi noires sur le blanc de l’espace – y sont une autre géométrie, une autre grille. Qui fait sens. Mais défait aussi le sens, le court-circuite. Ce que nous nommons si pesamment le « conceptuel » n’est (chez Lorna Simpson) qu’une touche. Un ensemble de signes troublants, légers…

On cherche le son – qui pourrait accompagner l’image. Quelques gouttes (ou notes) de piano : de ce piano que l’on entend dans une autre des installations en NOIR et BLANC de l’exposition [Chess (Échecs), 2013]. Ou le son de la voix…

Cette « Porteuse d’eau » de Lorna Simpson pourrait figurer dans l’une ou l’autre des œuvres (fréquemment bi-colores) de Robert Wilson (Le Regard du Sourd, 1971, ou « I Was Sitting on my Patio This Guy Appeared I Thought I Was Hallucinating », 1977.). — L’image est en manque (le NOIR) et en « plein » ou en « trop-plein » (le BLANC). La tête même du personnage disparaît dans le noir de sa chevelure.

Le visible est happé, entraîné, dissous.

Et l’eau continue à couler, à s’échapper, à ruisseler en filets de matière lumineuse, en tresses et rubans mêlés et métissés. De NOIR et de BLANC.

Merci à Lorna Simpson pour la grâce et la poésie de ce cliché…

Lien Jeu de Paume

Lien Robert Wilson