vendredi 10 novembre 2017

PARIS PHOTO 2017. Un réel construit. Déconstruit. Reconstruit.

Mo Yi, Installation, 2015-2016.

Paris Photo - Grand Palais.
Du 9 novembre au 12 novembre 2017.

Foisonnante et diversifiée, cette 21e édition d’un Salon devenu incontournable pour les aficionados et les amoureux de la photographie, est marquée du triple sceau (historique, esthétique et politique) de la CONSTRUCTION, DÉCONSTRUCTION et RECONSTRUCTION de cette réalité que l’image photographique a pour fonction de dupliquer ou refléter.

Il faut se méfier des reflets et des miroirs dont Cocteau disait qu’ils savaient « mentir » vrai. Ce singulier principe de réflection qui sous-tend le cliché photographique, on le perçoit sans cesse au détour de ces Galeries que l’on parcourt comme autant de boîtes noires et de pièges à reflets.

Le RÉEL partout se distord et tronçonne (corps disloqués de John Coplans ; nus anamorphosés d’André Kertesz ; visage fracturé de Dora Maar (Double Portrait, 1936) ou suturé de Marina Black (The Slice, 2015).

Ce réel se construit et s’architecture aussi. Les lignes de force des plans, des paysages, des cités et des corps auront été incessamment dévoilés, soulignés ou construits par les armes magiques du constructivisme russe, de la nouvelle objectivité des années 1930, d’une certaine photographie américaine des années 1950 ou les recherches expérimentales sur les relations du corps et de l’espace (Klaus Rinke, Action : Body Postures against a wall…, 1970).

Nourrie des matières, des corps (humains, animaux, « végétaux »), de la singulière réalité du paysage urbain, l’image se fait abstraite. Pliure. Anamorphose. Ellipse.

Détruit, annihilé, ce réel se recompose et se restaure. Il persiste dans la singulière mémoire des ruines et des compositions photographiques. Partant de leurs archives personnelles, Anne et Patrick Poirier revisitent une mémoire dont ils accumulent les fragments, les images superposées ou jointes bord à bord. "Les Poirier" ayant toujours travaillé sur les ruines, les fragments, on assiste à une sorte de mise en abîme du monde des ruines.

Le magistral triptyque exposé par Pascal Convert (Falaise de Bâmiyân, 2017) amène notre œil à « entrer en résistance », à voir, revoir et conserver en nous la pleine densité des Bouddhas détruits par les talibans en mars 2001.

Les prises de vues successives, les montages, processus de feuilletages et ajustements numériques de Thomas Bangsted aboutissent à une forme de condensé visuel, à une « hyper-photographie », presque irritante pour l’œil à force de détails, de reflets et de précision (Cf. Schlachtschiff Tirpitz, 2017 : paysage de fjord et cuirassé (le Tirpitz).

Ce salon est à l’exemple de la planète : cosmopolite. Le réel y est tout aussi bien européen, africain, asiatique, mixte. La Chine y est particulièrement représentée, fournissant tour à tour les clichés graffittés et retravaillés des archives photographiques de la Révolution culturelle chinoise (Mo Yi, Installation. Ensemble de 52 tirages. Peinture acrylique sur impressions numériques.) ou les paysages brumeux, elliptiques et allongés à la façon d’un emakimono, d’un long rouleau que le regard déplie et déploie dans une longueur indéfinie (Zeng Yicheng).

Schlachtschiff Tirpitz 2017.
Pigment Print. 161.3 x 284.1cm.
Thomas Bangsted / Galleri Tom Christoffersen.

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